OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La course en solitaire http://owni.fr/2012/09/27/la-course-en-solitaire/ http://owni.fr/2012/09/27/la-course-en-solitaire/#comments Thu, 27 Sep 2012 10:59:23 +0000 Laurent Chemla http://owni.fr/?p=120835 Owni de la nouvelle chronique inédite de Laurent Chemla - fondateur de Gandi et auteur de Confessions d'un voleur-, à laquelle le lecteur est invité à participer. C'est expérimental. Et interroge le présent sur son avenir, ses enjeux, de notre place dans le monde. Rien que ça.]]>

“Où cesse la solitude, commence la place publique ; et où commence la place publique, commence aussi le bruit des grands comédiens et le bourdonnement des mouches venimeuses.” – Friedrich Nietzsche, “Ainsi parlait Zarathoustra”.

Il a toujours été difficile de sortir la tête du quotidien pour essayer de retrouver une vue d’ensemble de l’évolution de nos vies. Et quand cette évolution devient une révolution en accélération permanente, comme dans nos sociétés numériques, ça devient une gageure.

Pourtant, quoi de plus nécessaire que de prendre du recul, au moins un peu ? Comment, sans ce recul, juger de notre trajectoire (de ses débuts à ses fins, à moyen terme), des obstacles qui sont devant nous, de ceux que nous avons su éviter sans vraiment nous en apercevoir tant notre vitesse est grande ?

Difficile de voir la totalité du chemin qu’on emprunte – sauf à s’en éloigner – mais c’est ce que je veux tenter ici de faire, avec votre aide si vous voulez bien participer à ces “tables rondes” virtuelles auxquelles je souhaite vous convier chaque semaine. Réagissez à cette chronique et discutons-en ensemble.

Une réflexion expérimentale

Pour inaugurer ce projet, en cette période de rentrée et de sortie d’un nouvel iPhone, je vous invite à revenir sur l’évolution de notre rapport au monde. Rien que ça, oui. Pas besoin pour ça de remonter très loin en arrière: 30 ans à peine, j’ose croire qu’une majorité d’entre nous s’en souvient. Sony a sorti son tout premier Walkman voilà peu, nos rendez-vous avec le monde (en dehors de notre petit cercle familial et de nos collègues de travail) se résument pour les plus curieux d’entre nous à un journal (en papier, jeune lecteur) le matin, les ragots autour de la machine à café au bureau, et le journal de 20h à la télé le soir. Un coup de téléphone (fixe) à sa mère, une fois par semaine au mieux.

Et c’est tout. Difficile de voir une évolution depuis l’époque lointaine où les seules interactions sociales se concentraient à la sortie de la messe du dimanche et à quelques fêtes de village. 30 ans. Un saut de puce, même à l’échelle d’une vie humaine, et pourtant… Tout était déjà là, pourtant. Le PC est né en 1981, ouvrant la voie pour le pire ou le meilleur à la standardisation logicielle. Le Minitel est arrivé en masse dans nos foyers en 1982, et nous avons entamé sans nous en apercevoir notre rapide mutation numérique à partir de ce boitier. Qui aurait pu prédire notre présent hyperconnecté à cette époque ?

Nous sommes passés, sans vraiment savoir comment, d’un rapport au reste du monde ponctuel, à heure fixe, fortement standardisé, à un rapport permanent, intime, spécifique de plus en plus souvent à chaque utilisateur. Un rapport à ce point devenu la norme que c’est désormais la déconnexion qui fait l’actualité, lorsque tel ou tel choisit à son tour de médiatiser son retour à la préhistoire.

La fin du temps lent

On peut voir les années 80 comme un tournant dans bien des domaines. Le PS au pouvoir. Les années-fric. Margaret Thatcher. La chute du mur. Le sida. D’un point de vue économique et social, certainement, ces années ont modelé notre époque actuelle. Mais technologiquement ? Le Macintosh d’Apple, le Windows de Microsoft, le CD, la NES : de grands progrès (quoique), mais toutes ces inventions manquaient singulièrement d’ouverture sur le reste du monde. Chacune semble même, avec le recul, destinée à une utilisation nombriliste, individualiste. L’utilisateur de Windows est réduit à l’utilisation de son compte personnel, nominatif, fermé. Le CD s’écoute à domicile. La NES est accusée de fabriquer une génération d’autistes.

Je ne sais pas ce que l’histoire en retiendra, mais pour moi les années 80 resteront surtout la dernière décennie de l’humanité déconnectée. Celle dont on dira un jour “voici comment vivaient nos ancêtres avant le monde moderne”. Les dernières années d’isolement, les dernières années de vie privée, l’époque du temps lent.

À partir des années 90 tout s’accélère brutalement, et avant même l’arrivée d’Internet dans le grand-public. Peut-être grâce à l’influence des jeux de rôle (de plateau, jeune lecteur) qui ont fait sortir de chez elle toute une génération dont les parents vivent encore en cellule familiale nucléaire, retranchée du monde, les interactions sociales prennent une ampleur nouvelle dans notre histoire.

Le plan informatique pour tous a aussi apporté son écot en faisant entrer l’informatique dans l’école, et les micro-informaticiens remplacent de plus en plus dans l’entreprise une génération d’informaticiens mainframe formée au COBOL et à la carte perforée. Forcément jeunes (le PC d’IBM n’a qu’une dizaine d’année), leur culture est différente, plus ouverte au monde, et ils amènent avec eux les premiers réseaux locaux et l’habitude de partager l’information – héritée sans doute de leur découverte en commun de la micro informatique. La publication de listings dans l’Ordinateur Individuel puis dans des magazines comme Hebdogiciel sont, en France, largement précurseurs, sinon du logiciel libre, au moins de l’Open Source.

Et puis, Internet, bien sûr. On n’envisage plus, aujourd’hui, un ordinateur non-connecté. Nos téléphones sont de plus en plus dépendants du réseau global. Nos télés -le symbole même du repli sur soi – seront bientôt elles aussi mises en réseau. Internet est dans nos foyers, nos écoles, nos boulots et même dans nos poches. D’ici très peu de temps nous seront connectés partout, et en permanence. Le déconnecté, ermite des temps modernes, deviendra lui-même (s’il ne l’est pas déjà) le phénomène médiatique qu’il tentait de rejeter.

Tout est réseau et inversement

Alors quoi ? Je ne crois pas que les réseaux sociaux sont arrivés avec le Web 2.0. Dès qu’un outil met des humains en relation, dès qu’une liaison informatique (ou pas) est établie entre deux points distants, elle ne relie pas seulement des équipements mais aussi (et surtout) les humains qui les utilisent. Si les premiers réseaux informatiques étaient destinés à partager des ressources matérielles rares (imprimantes, puissance de calcul, stockage) ils ont dès le début été hackés pour servir aussi (surtout) de messagerie et de support de discussions publiques.

Tout réseau informatique est un réseau social. Et un réseau informatique mondial permet des interactions humaines à une échelle sans précédent dans l’histoire de l’espèce. C’est une évidence qu’il est toujours bon de rappeler. Alors imaginons, si nous le pouvons, ce que sera demain quand ce réseau global nous accompagnera partout. Un monde envahi par une publicité omniprésente, forcément : comment imaginer que nos “iPhone 9″ (ou nos Google Glass) se contenteront de nous informer gentiment de l’historique de tel ou tel bâtiment devant lequel on passe ?

Elle en profiteront pour nous proposer d’entrer dans la boutique d’à côté pour profiter des articles en solde, à grand renfort d’outils de marketing visuels. Et quoi de plus normal puisque nos appareils mobiles auront été, comme c’est déjà presque toujours le cas, en partie financés par des régies publicitaires ?

En dehors des plus riches d’entre nous, personne ne pourra se payer les dernières avancées technologiques sans accepter en même temps de subir une pollution publicitaire permanente. C’est un fait quasiment acquis. Et personne, personne, ne pourra échapper à l’enregistrement permanent de chacun de ses actes, de chacune de ses recherches, ses lectures, presque ses pensées. C’est déjà là.

Mais, au-delà de l’aspect économique, au-delà de la vie privée, que deviendra la condition humaine quand à tout instant, partout, nous aurons à notre disposition non seulement une information complète sur notre environnement mais aussi, et surtout, la possibilité de partager avec le reste de l’humanité nos émerveillements, nos découvertes, nos colères et nos passions ?

Et si nous en avions terminé pour toujours avec la solitude ?


Photos sous licences Creative Commons par wizzer2801, dansays et groume, édités par Ophelia Noor pour ~~~~=:) Owni

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Des livres libérés de licence http://owni.fr/2011/10/01/ledition-sous-licence-libre-une-utopie-realiste/ http://owni.fr/2011/10/01/ledition-sous-licence-libre-une-utopie-realiste/#comments Sat, 01 Oct 2011 14:28:06 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=81437

Samedi dernier, j’avais la chance de participer à la quatrième édition du Bookcamp, organisé cette année au Labo de l’édition à Paris, au cours duquel j’ai proposé un atelier pour réfléchir à cette question : “L’édition sous licence libre, une utopie ?”. A vrai dire, cela fait plusieurs années maintenant que je voulais proposer un atelier sur ce thème, mais j’ai renoncé lors des deux précédentes éditions à le monter, car il me paraissait que les exemples d’expériences éditoriales sous licence libre étaient encore trop peu nombreux.

Les licences libres ont permis l’émergence de grands succès en matière de production de contenus par les utilisateurs (User Generated Content), avec Wikipedia ou Flickr dans le domaine de la photo. On trouve également des exemples intéressants dans le domaine de la musique, avec des sites comme Jamendo combinant licences libres et modèle économique. Mais pendant longtemps en ce qui concerne le livre, les exemples concrets sont restés fort rares, en dehors d’initiatives militantes comme Framabook ou In Libro Veritas. Du côté des auteurs, Cory Doctorow constituait certes un modèle de réussite, combinant diffusion gratuite sous licence libre en ligne et vente d’ouvrages papier, mais il n’était pas facile de citer d’autres exemples, comme si la personnalité singulière de cet auteur rendait sa stratégie difficilement reproductible par d’autres.

Malgré le fait que le mot liber en latin signifie à la fois livre et libre, on finissait par se demander s’il n’y avait pas quelque chose de particulier dans le livre, rendant l’implantation des licences libres plus difficiles dans ce domaine que pour d’autres types de médias.

Pourtant cette année, au fil de la veille et des billets (ici ou ), j’ai pu repérer un certain nombre d’initiatives originales dans le domaine de l’édition, avec le développement de modèles économiques qui me semblent dignes d’intérêt. J’ai essayé de présenter un certain nombre de ces exemples au cours de l’atelier bookcamp et pour aller plus loin, j’ai représenté sur une carte heuristique les principales tendances que je discerne en matière d’édition sous licence libre.

J’aimerais présenter dans ce billet à la fois les retours de l’atelier du bookcamp et les enseignements que je tire de la réalisation de cette carte.

Stratégies éditoriales : la diversité des approches

Dans de nombreux cas, notamment les plus anciens, les licences libres sont utilisés de manière militante, pour promouvoir la Culture libre et développer des alternatives à l’édition telle qu’elle se pratique dans le cadre du droit d’auteur classique. Mais dans cette carte, j’ai essayé de m’intéresser davantage aux considérations plus « stratégiques » qui peuvent conduire des éditeurs ou des auteurs à choisir les licences libres pour diffuser leurs ouvrages.

L’une des stratégies principales motivant le recours aux licences libres est paradoxale au premier abord : elle consiste à considérer qu’une diffusion gratuite de fichiers couplée à la vente d’exemplaires papier peut constituer un atout, dans la mesure où le libre accès en ligne ne va pas “cannibaliser” la vente du papier, mais au contraire la promouvoir en favorisant la notoriété des œuvres et des auteurs dans un contexte d’abondance des contenus. Ce pari de la complémentarité du gratuit et du payant vaut dans la mesure où l’accès en ligne, malcommode pour des ouvrages longs, ne “rivalise” pas complètement avec la lecture des ouvrages papier. On verra que les choses se modifient avec l’édition électronique, perturbant l’équilibre des modèles économiques basés sur cette stratégie.

La complémentarité du gratuit et du payant a été mise en œuvre à titre expérimental par plusieurs éditeurs (O’Reilly Open Book Project, Bloomsbury Academics, Editions Zones), mais elle peut aussi être employée par des auteurs, dans une optique différente. Il s’agit alors pour l’auteur d’utiliser l’accès ouvert à l’œuvre pour se distinguer et développer un capital symbolique. La stratégie d’emploi des licences libres peut permettre à un auteur débutant de développer sa notoriété, en gagnant un avantage concurrentiel sur ses congénères (Dan Gillmor, James Patrick Kelly) ou à un auteur disposant déjà d’une solide réputation de s’en servir pour promouvoir ses ouvrages (Lawrence Lessig, Cory Doctorow, Nina Paley).

Dans les deux cas, l’auteur doit être en mesure de maîtriser son identité numérique, en se mettant en scène par le biais d’outils comme les blogs ou les réseaux sociaux. Il peut également utiliser ces canaux pour entrer directement en relation avec le public, en lui proposant d’interagir avec l’oeuvre (concours de remix de Robin Sloan). Certains auteurs font le choix d’employer cette stratégie pour publier leurs ouvrages sans éditeurs, avec une volonté assumée de désintermédiation (Nina Paley, The Wise Routes), mais ce type de stratégie n’exclut pas pour l’auteur de publier ses ouvrages chez un éditeur traditionnel (Lessig, Doctorow). En gagnant grâce à la libre diffusion une notoriété, une puissance propre de diffusion et une certaine indépendance, elle peut même modifier le rapport de forces avec l’éditeur en faveur de l’auteur sous licence libre.

La stratégie peut également porter non plus seulement sur l’accès, mais aussi en amont, sur le processus créatif lui-même, en utilisant l’ouverture des licences libres pour favoriser l’écriture et l’édition collaboratives, voire le recours à l’intelligence collective en mobilisant un grand nombre d’auteurs autour d’un projet. C’est un modèle qui commence à donner des résultats convaincants dans le secteur des manuels scolaires (Flat World Knowledge aux Etats-Unis, suivi en France par Sesamath et lelivrescolaire.fr, Pratham Books en Inde). Mais cette intégration des licences libres au coeur du processus créatif reste encore rare dans le domaine de la fiction, comme si l’écriture littéraire avait du mal à intégrer la dimension collective. On relève quand même le bel exemple dans la BD de la plateforme Manolosanctis, qui mise sur l’édition communautaire, couplée avec un modèle économique de vente d’albums en papier.

Modèles économiques : le libre confronté au virage de l’édition numérique

Il n’est pas spontanément facile d’imaginer comment les licences libres peuvent déboucher sur un modèle économique et c’est une des choses dont je me suis rendu compte pendant l’atelier au bookcamp. Cela résulte sans doute de l’amalgame trop rapide que l’on fait entre libre et gratuit ou entre licence libre et « libre de droits ». En réalité, les licences libres ne constituent pas un abandon des droits par l’auteur, mais un processus maîtrisé de libération des usages de l’oeuvre, modulable selon sa volonté. En particulier, certaines licences, comme les Creative Commons, permettent d’accorder a priori certains droits étendus au public, tout en continuant à réserver l’usage commercial. C’est cette réservation de l’exploitation commerciale qui permet dans la plupart des cas de développer un modèle économique sur la base de licences libres dans le domaine de l’édition.

Si l’on se place dans le cadre de la relation entre un éditeur et un auteur, il est tout à fait possible que ce dernier décide de placer son oeuvre sous une licence libre comportant une restriction d’usage commercial et de céder ce droit à un éditeur dans le cadre d’un contrat d’édition classique. Il en résultera un double système de diffusion de l’oeuvre : en ligne, l’ouvrage sera proposé gratuitement, mais sans permettre les usages commerciaux ; dans le même temps, l’ouvrage pourra être exploité par l’éditeur sous forme papier ou dans d’autres formats (ePub par exemple). Techniquement, ce sont dans les clauses des contrats qui précisent les modes d’exploitation de l’oeuvre que l’on devra préciser celles qui restent placées sous licences libres et celles qui sont cédées à l’éditeur. Dans tous les cas, c’est à l’auteur de décider s’il place son oeuvre sous licence libre et pour quels types d’usages, l’éditeur ne pouvant faire ce choix à sa place.

En réalisant la carte heuristique, je me suis rendu compte que le modèle économique dominant des projets d’édition sous licence libre restait encore très majoritairement lié à la vente d’ouvrages papier. Or il me semble qu’il s’agit d’une faiblesse, dans un contexte où le livre numérique se développe. En un sens, on pourrait dire que l’édition sous licence libre est confrontée, tout comme l’édition classique, à la nécessité d’évoluer face aux défis soulevés par le livre numérique, mais qu’elle n’a peut-être pas encore fait sa révolution.

En effet, autant il était concevable de miser sur une complémentarité entre la diffusion en ligne/Gratuite et la diffusion papier/Payante, autant on peut douter qu’un tel modèle soit reproductible avec le livre numérique et les formats enrichis, type ePub. Un éditeur comme C&F Editions pouvait placer ses livre papier sous licence Creative Commons pour ouvrir les usages, sans prendre de risques réels quant à l’impact sur les ventes, en raison des limites inhérentes au support papier. Mais placer un fichier en ePub sous licence libre, y compris en réservant l’usage commercial, c’est sans doute pour un éditeur fragiliser ses possibilités d’exploitation commerciale.

En ce sens, de nouvelles complémentarités sont sans doute à rechercher entre les différents formats. Il me semble en effet que l’on pourrait miser sur une diffusion sous licence libre des formats html simples, pour une lecture en ligne, en commercialisant des fichiers enrichis pour les supports type tablette, en restant dans un cadre plus proche du droit d’auteur traditionnel. C’est l’esprit de la licence Edition Equitable proposée par Hervé Le Crosnier et je pense qu’un tel outil présente un potentiel pour adapter les modèles économiques de l’édition sous licence libre aux nouvelles réalités du livre numérique. L’intérêt d’une telle démarche consisterait à ne pas se focaliser sur la notion de « fichier » (j’ai été frappé au bookcamp de voir comment tout le monde était obsédé par les « fichiers »). Il s’agit à mon sens d’envisager les choses de manière plus fine, en distinguant selon plusieurs manifestations possibles des oeuvres (format html, format ePub, papier, etc) auxquelles peuvent être attachés des droits différents (en s’inspirant par exemple des concepts du modèle FRBR). Un auteur comme Robin Sloan joue déjà sur cette différenciation des formats pour ses romans : il commercialise des fichiers pour Kindle, mais diffuse gratuitement toutes les autres manifestations de son oeuvre (html, pdf, etc).

Outre cette nouvelle complémentarité des formats, un autre modèle commence à faire une percée dans le domaine de l’édition sous licence libre : il s’agit du crowdfuning (financement participatif), qui déplace le modèle économique en amont en sollicitant le public avant la publication de l’ouvrage pour rassembler les sommes nécessaires. à sa création. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce modèle dans un autre billet et j’attends avec impatience le lancement du projet Unglue.it/Gluejar qui me semble particulièrement prometteur.

Obstacles, blocages et lacunes

On le voit l’édition sous licence libre n’est plus complètement une utopie, mais il faut bien reconnaître qu’elle se heurte encore à de sérieux obstacles, que l’atelier du bookcamp m’a permis de mieux saisir.

Dans le domaine de l’édition scientifique, le mouvement de l’Open Access s’est développé ces dernières années, de manière plus ou moins forte selon les disciplines, mais il a transformé assez profondément le paysage de l’IST. Certes l’Open Access ne s’appuie pas nécessairement sur des licences libres (bien que cela puisse être le cas, voir PLoS par exemple), mais il me semble qu’il s’y joue quelque chose dans les rapports entre éditeurs et auteurs qui rejoint les problématiques de l’édition sous licence libre que j’essaie d’aborder ici. Certaines initiatives que j’ai insérées dans la carte sont d’ailleurs directement inspirées par l’Open Access (Presses universitaires de Lyon, Open Utopia, C&F Editions, Unglue.it). La question que l’on peut se poser, c’est pourquoi cette ouverture tarde à s’étendre au delà des revues au domaine du livre et au delà de la sphère de la recherche à celle de l’édition générale.

Hubert Guillaud, qui m’a fait l’amabilité de participer à mon atelier, a fait remarquer qu’il était surprenant de voir combien les expériences étaient peu nombreuses en matière d’usage des licences libres dans le domaine de l’édition et comment les acteurs ne s’étaient pas saisis de ces outils pour explorer de nouvelles voies.

La première raison vient selon moi avant tout des auteurs. Le mouvement de l’Open Access s’est appuyé essentiellement sur le maillon des auteurs et sur le moment-clé de la négociation des contrats d’édition pour revendiquer davantage d’ouverture auprès des éditeurs. L’édition sous licence libre aurait besoin pareillement que les auteurs demandent des modifications dans leurs contrats d’édition pour placer les oeuvres sous licence libre et sans ce premier moteur, on peut douter que le mouvement se développe. Or les participants à l’atelier ont souligné qu’en France, très peu d’auteurs sont sur une telle ligne, même si la prise de conscience de la nécessité de revoir les équilibres des contrats d’édition commence à faire son chemin avec le livre numérique. Peut-être que les nouvelles générations d’auteurs, qui sont nées sur internet et qui auront pris l’habitude de l’ouverture du web auront plus de mal à se laisser enfermer dans les limites du droit d’auteur classique et revendiqueront le bénéfice des licences libres ?

D’autres points intéressants ont été soulevés lors de l’atelier, comme par exemple l’absence de soutien des pouvoirs publics en direction de l’édition sous licence libre. L’Open Access doit une large part de son succès au fait qu’il a été soutenu par des institutions publiques. Une démarche similaire pourrait tout à fait être envisagée dans le domaine des manuels scolaires (et à vrai dire, il serait logique que ce soit le cas). Plus largement, l’édition publique, assez développée en France, pourrait elle aussi expérimenter les licences libres, mais je n’ai trouvé aucun exemple à signaler. Pour le reste, bien que Manolosanctis ait par exemple été soutenu par le Centre National du Livre, il me semble que la France reste un milieu assez hostile aux alternatives libres. Dans le champ des éditeurs « traditionnels », on ne peut guère citer que les Editions Zones, un des labels des éditions la Découverte, à avoir expérimenté des publications sous licence Creative Commons ; quelques ouvrages sous licences Creative Commons chez Eyrolles également.

En réalisant ma carte, je me suis rendu compte que les projets d’édition sous licence libre n’incluaient pas certains acteurs de la chaîne du livre, les libraires par exemple, qui ne sont jamais associés à de tels modèles. Mais les bibliothèques ne sont pas plus présentes, et c’est pour moi une désillusion assez cruelle. Le projet américain Unglue.it/Gluejar, dont j’ai déjà parlé plus haut, prévoit cependant d’associer les bibliothèques et il sera intéressant de voir quel rôle elles pourront jouer dans cette entreprise de libération des droits.

Nécessité de la pédagogie et ressources utiles

Les participants de l’atelier ont également souligné que les licences libres étaient encore trop peu connues en France, chez tous les acteurs de la chaîne du livre et qu’elles restaient parfois mal comprises. Hubert Guillaud a fait un rapprochement avec le travail de pédagogie qu’il a dû mener au sujet de l’Open Data auprès des acteurs sur le terrain. dans le cadre de son action à la FING. Il importerait de pouvoir répondre aux craintes suscitées par les licences libres et de montrer les avantages concrets que l’on peut retirer de leur usage.

Pour commencer à avancer dans ce sens, j’ai recensé un certain nombre d’articles (en anglais), qui fournissent des conseils utiles pour mener des projets d’édition sous licences libres, surtout en direction des auteurs :

La carte heuristique est placée elle-même sous licence libre et je l’ai mise en mode wiki, et vous pouvez y apporter des modifications. Je continuerai à l’alimenter au fil de ma veille pour recenser les expériences d’édition sous licence libre.


Billet initialement publié sous le titre “L’édition sous licence libre, une utopie ? (bookcamp 4)” sur S.I.Lex

Illustrations via Flickr : Temari09 [cc-by] ; Devontt [cc-by]

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NOISE : un Teknival légal mais surveillé http://owni.fr/2011/05/04/un-teknival-legal-mais-surveille/ http://owni.fr/2011/05/04/un-teknival-legal-mais-surveille/#comments Wed, 04 May 2011 15:09:15 +0000 Charly Andral http://owni.fr/?p=31714 L’année dernière le grand rassemblement Techno du premier mai vivait un exil forcé aux confins de l’Ariège. En 2009, le Teknival était interdit et certains véhicules transportant les sound systems saisis selon le Procureur de la République « afin notamment de rechercher les auteurs d’infractions d’actes de terrorisme […]». Cette année, stupeur : l’évènement réputé « à haut risque » se déroulera à moins de deux heures de Paris. Il sera massif. Les camions convergent depuis la Bretagne, l’Est, la Belgique. Certains ont fait la route depuis la République Tchèque, d’autres sont partis d’Italie. Les Anglais, nombreux et organisés, se sont regroupés en convois et ont loué un bateau pour arriver avec tout leur matériel.

Ce week-end, ce sont près de 170 sound systems qui s’installeront sur la base aérienne de Laon Couvron. Un pareil rassemblement, la planète Techno n’en avait pas vécu depuis des années. Face aux murs d’enceintes bricolés, des dizaines de milliers de teuffeurs vont danser sous les étoiles, deux jours durant… avec la bénédiction du Ministère de l’Intérieur. 2011 fera date. Pour la première fois autorités et collectifs de sound systems se dirigent vers une co-organisation, une révolution lorsque l’on connait le fossé culturel qui les sépare. On respire, un peu perplexe : les rassemblements Techno ne seraient plus, soudain, synonymes d’excès et de drogues ? Quelle mouche a donc piqué le nouveau locataire de la place Beauvau pour qu’il renonce ainsi à la matraque ?

Sortir de l’impasse

Chaque année, légalement ou non, le Teknival du premier mai rassemble des milliers de participants. Coup d’envoi de la saison des fêtes en plein air, il a toujours constitué un point de repère quasi sacré pour la frange la plus revendicative des cultures électroniques, une forteresse imprenable pour les pouvoirs publics. Au-delà des reportages à sensations et des faits divers sordides, le Teknival fait peur. Spectacle de la catharsis, de la transe, musique répétitive, l’évènement suscite l’inquiétude de l’opinion.

En 2007 le rapport du député Jean-Louis Dumont, bat pourtant en brèche nombre d’idées reçues et invite à la dédramatisation, statistique à l’appui. Seulement, expliquer « qu’on se bat infiniment moins dans une fête techno que dans une fête de village » est peu télégénique. Ni média ni gouvernement n’infléchissent leurs discours. Les uns insistent sur les drogues , les autres invoquent impréparation et risques d’accident. Entre interdictions et coups tordus, les dernières éditions avaient mis les sound systems dos au mur.

« Il fallait que les choses bougent » explique Mickaelle Thibault, porte voix du mouvement. Quarante-sept ans et toujours passionnée, la teuffeuse exhorte l’ensemble des collectifs de musiciens amateurs à monter une organisation irréprochable. Le projet doit permettre d’éviter le pire, la saisie du matériel des artistes. Elle résume : « Notre boulot c’était que les sound systems puissent venir sans avoir la boule au ventre ». Peu à peu les collectifs se fédèrent et montent un dossier exemplaire : accueil, prévention, gestion des déchets et des risques, le tout adossé à une structure associative qui prendra en charge une partie des coûts liés à l’évènement.

Alors que depuis des années les politiques déploraient le caractère incontrôlable du mouvement, une telle initiative force cette fois le Ministère de l’Intérieur à jouer le jeu. Après d’âpres négociations il se résout à réquisitionner un terrain et invite les pouvoirs locaux à coopérer. Demeure néanmoins une équation politique difficile à résoudre : comment donner des gages à la scène Techno sans se départir du traditionnel discours de la fermeté ?

Le NOISE, la chèvre et le chou

En proposant de rebaptiser l’évènement, les médiateurs offrent aux pouvoirs publics la possibilité de ménager la chèvre et le chou. « Ça fait longtemps qu’ils nous reprochaient d’appeler ça Teknival » explique Ivan Boureau, impliqué dans l’organisation depuis plusieurs années. Aux yeux du grand public le terme est trop connoté. Son abandon permet aux responsables politiques de coopérer avec les organisateurs sans perdre la face, rendant le projet possible. Cette année le Teknival est donc rebaptisé le « NOISE ». Un nom-symbole est perdu mais la fête, elle, peut vivre. « Et quelle fête ! » Devant le nombre de sound systems ayant répondu à leur appel les portes paroles du mouvement sont enthousiastes. L’esprit de l’évènement semble bel et bien intact : gratuité et droit d’accès à n’importe quel collectif musical souhaitant participer. Ivan Bourreau insiste : « C’est le festival de la culture libre ! C’est libre ! ».

Quel impact sur le mouvement Free ?

Une fois passé le NOISE, les organisateurs espèrent un « effet boule de neige » sur une myriade de rassemblements de petite ampleur. Difficile cependant de partager leur optimisme alors que s’annoncent d’importantes échéances électorales, avec leurs cortèges de postures sécuritaires. Si par un tour de passe-passe l’État est parvenu à lâcher du lest sur un évènement phare, le parti majoritaire se refuse à repenser en profondeur son approche des scènes alternatives. Le cadre juridique dans lequel s’inscrit le mouvement Techno n’est d’ailleurs pas appelé à changer. Depuis 2001, la loi de Sécurité Quotidienne donne aux préfets le pouvoir d’interdire les « rassemblements exclusivement festifs à caractère musical ». Un pouvoir dont les représentants de l’État usent et abusent, maintenant en marge de la légalité une composante importante des cultures jeunes.

Au fil de son rapport Jean-Louis Dumont questionne :

« Comment pouvons-nous demander à ces jeunes gens de prendre leurs responsabilités si notre seule réponse à leur aspiration est ‘’Non’’. Les législations, les réglementations doivent être pensées pour que globalement les événements puissent avoir lieu, le possible devant être le cas majoritaire, l’impossible le minoritaire. Encadrer, ce n’est pas interdire. »

C’était il y à trois ans. Depuis, aucune des propositions de l’élu n’a été adoptée. Le Teknival, lui, change de nom mais pas d’autorité de tutelle : les rassemblements technos sont toujours les seuls évènements musicaux qui ne dépendent pas du Ministère de la Culture, mais de l’Intérieur.

Article initialement publié sur OWNI

> Illustrations CC Flickr par keyveeinc et Xavier Spertini

Vous pouvez retrouver nos articles sur le dossier festivals : Jeunes artistes : laissez-les chanter et De Woodstock au Printemps de Bourges Crédit Mutuel

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ACTA: vers un Yalta de l’Internet? http://owni.fr/2010/03/29/acta-vers-un-yalta-de-l%e2%80%99internet/ http://owni.fr/2010/03/29/acta-vers-un-yalta-de-l%e2%80%99internet/#comments Mon, 29 Mar 2010 16:14:37 +0000 Bluetouff http://owni.fr/?p=11102 acta_hires-300x194

Alors qu’une poignée de politiques à travers le monde commencent à s’inquiéter de l’ACTA, cet accord commercial multilatéral de libre échange négocié secrètement, les pays, concernés ou pas (tous le seront à terme et nous allons ici le démontrer), commencent à prendre des mesures pour appréhender ce qui était jusqu’à aujourd’hui un espace virtuel d’exercice de ses libertés pas virtuelles du tout (nous avons, en France, une décision du Conseil Constitutionnel pour en attester).

Rappelons que l’ACTA vise à lutter au niveau mondial contre les échanges de fichiers soumis à copyright. L’ACTA est évidemment porté par les USA, forts de leur industrie culturelle et de la toute puissante RIAA dont on reconnait la griffe. La position des Etats-Unis est assez claire : elle souhaite mettre un terme aux échanges peer to peer (et pas seulement), mettre en place des dispositifs de filtrage (chose qu’elle ne peut pas faire de manière unilatérale à cause de la nature acentrée du réseau Internet), créer des officines privées sur le modèle HADOPI pour la mise en place d’une riposte graduée globale sans avoir à passer par un juge.

La lutte contre la contrefaçon numérique est-elle vraiment nécessaire ?

Je sens que certains vont me trouver un peu gonflé, mais bon lâchons nous, vous allez voir c’est une question de point de vue. Si la contrefaçon numérique est inscrite dans le corpus législatif de nombreuses nation, ce n’est pas le fruit du hasard. On a toujours transposé au virtuel ce qui existait dans le réel, rien d’étonnant donc à voir apparaître des lois qui tendent à protéger ici le copyright ou là le droit d’auteur.

Depuis l’apparition de Napster, il est apparu comme une évidence que l’Internet était une énorme machine à copier. Sans contrainte, sans verrou, elle permet de faire des copies immatérielles à l’identique d’un bien culturel.

La première réaction des industries a donc été de tenter de poser des verrous, d’abord avec les formats (toutes les tentatives ont été des flops retentissants : Real, Microsoft WMA/WMV/ASF, Sony …;  ensuite avec les DRM. Ceux-ci auraient très bien pu fonctionner si la cupidité des uns et des autres ne les avait pas mener à tenter d’imposer chacun leur pseudos « standard » non intéropérables.

On peut appeler cette période l’an 2 de l’Internet : celle où les industries ont tenté, par la technique, d’imposer au Net de la fermeture après plusieurs années d’ouverture. C’était évidemment voué à l’échec: quand on propose à un internaute de payer 20 euros un bout de plastique qu’il ne peut même pas lire dans sa voiture ou sur son ordinateur, à l’époque où les chaînes hi-fi sont une espèce en voie de disparition, l’idée ne semble pas lumineuse. L’industrie a donc du faire marche arrière sur les DRM, avec les formats, c’est son second échec… les deux sur des mesures purement techniques.

Le téléchargement c’est tout sauf du vol

Un vol entend une soustraction, dans le cadre d’un échange sur Internet, le bien, dématérialisé, est dupliqué, et non soustrait. Ce fait, à lui seul, tend à démonter tout « vol », il n’y a pas soustraction, mais multiplication. Mais approfondissons un peu…

Le droit d’auteur (et non le copyright, même si depuis la Convention de Berne, les frontières entre droit d’auteur et copyright tendent à s’estomper), dit imprescriptible et inaliénable, se compose d’un droit dit moral (c’est lui qui est imprescriptible et inaliénable) et de droits dits patrimoniaux. Pour faire simple (mes compétences juridiques sont très limitées), le droit moral assure à l’auteur la reconnaissance de la paternité de l’œuvre tandis que les droits patrimoniaux font directement référence à son exploitation commerciale. Dans le cadre de la propriété littéraire et artistique, nous ajouterons à ceci les droits voisins qui couvrent les droits des interprètes et des producteurs et afférent également à l’exploitation de l’œuvre.

Un téléchargement (une copie) n’est pas une expropriation, l’auteur conserve la jouissance pleine et entière de ses droits moraux. Preuve de la cupidité et surtout du misérabilisme auquel certaines industries culturelles sont habituées, la France a officialisé fiscalement le « droit à la copie privée » en instituant une taxe sur les supports vierges. Attention cependant, la copie privée est une exception au droit d’auteur et comme toute exception, elle n’a pas pour vocation à devenir la règle. Seul problème, sur les plusieurs centaines de millions d’euros perçues, les artistes n’en ont pas vu la queue d’un.

Jusque là, les aspects juridiques n’avaient servi qu’à une chose : protéger les mesures techniques… et jusque là … c’est un FAIL sur toute la ligne. Il faut donc changer de stratégie.

ACTA : an 3 de l’Internet sale

Avec l’ACTA, on rentre dans l’an 3 de cette guerre perdue d’avance.

On passe d’une stratégie globale que l’on appliquait aux fabricants, à une stratégie globale applicable localement par des Etats souverains en brandissant le bâton des mesures de rétorsion économique… ce qu’on appelle pudiquement le libre échange en économie.

C’est malin, mais là encore ce ne sera pas suffisant. Le document de travail publié par La Quadrature du Net montre que le Japon et et les USA sont les deux locomotives de ce projet et n’hésitent pas à faire pression sur les Etats pour rendre les fournisseurs d’accès responsables de ce qui transite sur le réseau. Cela porterait un coup fatal à la neutralité du Net, principe fondateur du réseau qui, s’il venait à être remis en cause, modifierait profondément la nature de l’Internet tel que nous le connaissons. Je vous invite à écouter, une fois de plus, la définition que Benjamin Bayart donne de la neutralité du Net avec des mots intelligibles par tous.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

> A la question « Sommes nous capables de poser un dôme opaque sur un pays car le soleil est une concurrence déloyale aux producteurs d’électricité » … la France dit oui … c’est notre exception culturelle à nous, les « créateurs de possible ».

> A la question « Pouvons nous poser un dôme opaque sur plusieurs pays ? », la réponse est oui

> A la question « Pourrons nous quand même voir le soleil malgré le dôme ? », la réponse est oui

> A la question « Pouvons nous créer un réseau alternatif et délaisser un Internet non neutre au profit d’un réseau lourdement chiffré et impossible à surveiller ? », la réponse est oui, il en existe déjà plusieurs

Pourquoi l’ACTA ?

ACTA n’est ni plus ni moins qu’une réponse protectionniste à des difficultés économiques rencontrées par les USA, la Chine commence à faire peur et les USA travaillent donc leur point fort: leur industrie culturelle, et ils entendent bien jouer de tout leur poids. La position du Japon est de marcher main dans la main avec les USA, et pour cause, le pays du soleil levant dispose d’une énorme industrie des biens culturels (si je vous dis consoles de jeux ?).

La Chine de son côté n’est pas vraiment concernée, il faut dire que le gouvernement chinois n’a pas attendu les ACTA pour filtrer Internet et que du coup, la Chine ressemble plus à un gros LAN qu’à l’Internet. Le piratage est loin d’être le problème du gouvernement chinois, il préfère surveiller et enfermer ses opposants, filtrer Twitter ou Facebook.

Les USA et le Japon ont un poids encore considérable sur l’économie mondiale, ils sont donc bien armés pour entrainer quelques pays dans leur vision du nouveau cyber ordre mondial, un monde où le copyright et les brevets porteraient atteinte à la neutralité du Net, et donc comme l’a souligné le Conseil Constitutionnel en France, porteraient de fait atteinte à la liberté d’expression, à la liberté d’entreprendre (un Internet filtré est le meilleur moyen de créer une importante distorsion à la libre concurrence).

Il y aura forcément de la casse avec ACTA, les USA et le Japon entraineront avec eux les pays qu’ils tiennent économiquement dans le creux de leur main, si l’Europe courbe l’échine, c’est qu’elle dit oui à un Yalta de l’Internet dans lequel les valeurs qu’elle défend seront allègrement piétinées par des société privées.

Article initialement publié sur le blog de Bluetouff

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http://owni.fr/2010/03/29/acta-vers-un-yalta-de-l%e2%80%99internet/feed/ 4
Internet, source de l’exploitation capitaliste ? http://owni.fr/2010/03/11/internet-source-de-lexploitation-capitaliste/ http://owni.fr/2010/03/11/internet-source-de-lexploitation-capitaliste/#comments Thu, 11 Mar 2010 08:55:12 +0000 Arno http://owni.fr/?p=9797 scarabe

La soucoupe accueille Arno, auteur du Scarabée, vieux de la vieille du web français (1996 !). Dans ce billet, il exprime son désaccord avec le théoricien des médias Matteo Pas­qui­nelli, qui a récemment expliqué sa thèse dans une interview d’Écrans intitulée « Nous n’exploitons pas le réseau, c’est le réseau qui nous exploite ».

Écrans, dans Libé­ration, a publié mer­credi une interview de Matteo Pas­qui­nelli, « théo­ricien des médias », titrée « Nous n’exploitons pas le réseau, c’est le réseau qui nous exploite ».

L’interview est censée illustrer un article de Marie Lechner, « Effet de serfs sur la Toile ». L’article pose la question :

Internet serait-​​il en train de devenir la matrice d’un nouveau système féodal, où une poignée de grands sei­gneurs exploitent des légions de serfs ? Et non cette société de pairs tant célébrée ?

L’argumentaire se contente de répéter un article de Pierre Lazuly publié en août 2006 par le Monde diplo­ma­tique : « Télé­travail à prix bradés sur Internet ». Mais là où l’ami Lazuly pré­sentait un phé­nomène alors peu connu et se contentait de conclu­sions sur ce phé­nomène spé­ci­fique, l’article d’Écrans extrapole sur la dénon­ciation d’un « mythe » de l’internet (« cette société de pairs tant célébrée » — mais qui a réel­lement célébré cela ?) en se basant non sur une démons­tration, mais sur des extraits d’une unique interview avec Matteo Pasquinelli.

Simi­lai­rement, l’économie du parasite imma­tériel n’est pas basée sur l’exploitation directe ou l’extorsion, mais sur la rente, estime le théo­ricien. La rente serait le nouveau modèle écono­mique dominant du capi­ta­lisme cog­nitif et d’Internet. Pour sché­ma­tiser, le profit est le revenu obtenu par la vente de biens ; la rente, le revenu fourni par l’exploitation mono­po­lis­tique d’espaces.

Or, cette « inno­vation » concep­tuelle n’a rien de nouveau, malgré l’omniprésence, paraît-​​il, des mythes égali­taires de l’internet. Mais qui sou­tenait ces mythes, sinon Libé­ration en 1999-​​2000 ? C’est exac­tement ce que nous disions, dans notre « tir de barrage » col­lectif (à l’époque : uZine, le Sca­rabée, les Chro­niques du menteur, l’Ornitho, Péri­phéries). Voir par exemple mon billet intitulé « Au secours, mon fils entre­pre­naute est en train de se noyer ! » (mai 2000) :

On trouve tou­jours autant d’articles dans la presse pour pré­senter ces concepts nova­teurs, révo­lu­tion­naires. Pourquoi ne pas dire tout sim­plement qu’on veut accé­lérer l’établissement du néo­libéralisme et mar­chan­diser ce bien public qu’est le savoir ? Pourquoi ne pas le dire sim­plement : nous allons pri­va­tiser et raréfier ce bien public, et établir des mono­poles de l’information ?

Tout le monde sait que le déve­lop­pement du réseau ne s’est pas fait de manière magique, indé­pen­dante du monde phy­sique. On sait depuis les années 1990 que la mas­si­fi­cation des accès est lar­gement liée à des intérêts de déve­lop­pement capitaliste.

Même parmi les grands anciens du Web français, il n’y a jamais eu de naïveté sur ce point. Ainsi Laurent Chemla publiait-​​il ses « Confes­sions d’un voleur » en 2002 :

Je suis un voleur. Je vends des noms de domaine. Je gagne beaucoup d’argent en vendant à un public qui n’y com­prend rien une simple mani­pu­lation infor­ma­tique qui consiste à ajouter une ligne dans une base de données. Et je vais gagner bien davantage encore quand, la pénurie arti­fi­cielle ayant atteint son but, le com­merce mondial décidera d’ouvrir quelques nou­veaux TLD qui atti­reront tous ceux qui ont raté le virage du .com et qui ne vou­dront pas rater le virage suivant.

On peut même penser que son aspect « liberté d’expression », désormais acces­sible à tous, se retrouve dans les besoins capi­ta­listes et néo­li­béraux : un déve­lop­pement capi­ta­liste de l’internet qui, pour une large part, récupère l’argument liber­taire de la pos­si­bilité d’expression publique indi­vi­duelle (tant qu’elle ne rentre pas en concur­rence avec ses intérêts), l’exploite à son profit et, même, en fait un argument mar­keting de son propre déve­lop­pement (ce qui, évidemment, permet ensuite la dénon­ciation des « libéraux-​​libertaires » sur la base de cette récupération).

L’article se termine ainsi sur une citation de l’interview :

« À l’époque féodale, c’était l’exploitation de terres cultivées par des paysans, à l’âge d’Internet, c’est l’exploitation d’espaces imma­té­riels cultivés par des pro­duc­teurs culturels, pro­sumers [consom­ma­teurs pro­duc­teurs, ndlr] et par­tisans de la “free culture”. »

Et voilà : l’amalgame entre une « free culture » et sa récu­pé­ration par le capi­ta­lisme permet de dénoncer l’ensemble : les liber­taires et autres par­tisans de l’accès des indi­vidus à l’expression publique ne seraient ainsi que des idiots utiles du capi­ta­lisme néo­li­béral, rebaptisé ici « néoféodalisme ».

Notons cette remarque per­ti­nente d’un par­ti­cipant du forum, Oliviou, qui anéantit en un para­graphe cette idée de « néo­féo­da­lisme » de l’internet :

La com­pa­raison avec le servage ne tient pas. Le serf est obligé de tra­vailler pour le sei­gneur pour avoir le droit d’habiter sur ses terres. L’internaute peut « habiter » internet comme il l’entend : y résider, y passer, trouver des infor­ma­tions, glander… Et c’est (la plupart du temps) gratuit, et on ne lui impose rien en échange (en dehors de payer un abon­nement, et encore…). C’est l’internaute qui décide de ce qu’il veut faire ou pas pour les « sei­gneurs », béné­vo­lement. C’est valable aussi bien pour les contenus moné­tisés dont vous parlez que pour wiki­pedia, par exemple.

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Photo A. Diez Herrero sur Flickr

Venons en à l’interview de Matteo Pasquinelli. Nous apprenons que :

Matteo Pas­qui­nelli est cher­cheur à la Queen Mary Uni­versity de Londres. Dans son livre Animals Spirits, le théo­ricien des médias iden­tifie les conflits sociaux et les modèles écono­miques à l’œuvre der­rière la rhé­to­rique de la culture libre.

La pré­sen­tation du livre sur le site de l’auteur devrait déjà inquiéter :

After a decade of digital feti­shism, the spectres of the financial and energy crisis have also affected new media culture and brought into question the autonomy of net­works. Yet activism and the art world still cele­brate Creative Commons and the ‘creative cities’ as the new ideals for the Internet gene­ration. Unmasking the animal spirits of the commons, Matteo Pas­qui­nelli iden­tifies the key social conflicts and business models at work behind the rhe­toric of Free Culture. The cor­porate parasite infil­trating file-​​sharing net­works, the hydra of gen­tri­fi­cation in ‘creative cities’ such as Berlin and the bice­phalous nature of the Internet with its por­no­graphic under­world are three untold dimen­sions of contem­porary ‘politics of the common’. Against the latent puri­tanism of authors like Bau­drillard and Zizek, constantly quoted by both artists and acti­vists, Animal Spirits draws a conceptual ‘book of beasts’. In a world system shaped by a tur­bulent stock market, Pas­qui­nelli unleashes a poli­ti­cally incorrect grammar for the coming gene­ration of the new commons.

Voilà donc un briseur de tabous (digital feti­shism) qui dénonce les Creative Commons, les « villes créa­tives » et la « Free Culture ». Excusez l’a priori, mais on a l’habitude aujourd’hui de se méfier de ces bri­seurs de tabous qui osent le « poli­ti­quement incorrect », de Domi­nique Wolton à Nicolas Sarkozy. Un dis­cours qui, sous des atours de dénon­ciation du néo­li­bé­ra­lisme (le titre Animal spirits renvoie à une expression forgée par Keynes en 1936), des com­mu­nau­ta­rismes, de l’exclusion, s’attaque en fait direc­tement à ceux qui tentent réel­lement des approches alter­na­tives au néolibéralisme.

L’interview commence par une question à la noix :

Dans votre livre, vous cri­tiquez le « digi­ta­lisme » contem­porain, soit la croyance selon laquelle Internet est un espace libre de toute forme d’exploitation, qui nous mènerait natu­rel­lement vers une société du don.

Quel est ce « digi­ta­lisme » contem­porain, qui le sou­tient, où peut-​​on lire ce genre de lubies ? On n’en saura rien. C’est le principe du brisage de tabou : le tabou n’a pas besoin d’exister, il suffit de le dénoncer.

Réponse peu intéressante, mais qui explique :

Si, dans les années 90, nous fai­sions le rêve poli­tique d’une auto­nomie du réseau, aujourd’hui, nous ne faisons que sur­vivre dans un paysage dominé par les monopoles.

« Sur­vivre dans un paysage dominé par les mono­poles », est-​​ce que cela prend par exemple en compte le fait que je puisse louer, auprès d’une petite entre­prise, immé­dia­tement et le plus sim­plement du monde, un serveur Web relié en per­ma­nence au réseau, tournant avec des logi­ciels libres, y ins­taller des outils de publi­cation en ligne tota­lement libres, et pouvoir toucher poten­tiel­lement des mil­lions de lec­teurs, cela pour le même prix qu’un abon­nement à une chaîne de télé­vision privée ? Alors qu’auparavant, pour le même prix, j’aurais pu imprimer environ 200 pho­to­copies A4 que j’aurais dû scotcher sur les murs (en espérant éviter une amende pour affi­chage sauvage).

Admettons cependant qu’avec mon serveur per­sonnel, ma page per­son­nelle, mes mil­liers de lec­teurs, etc., je sois comme un rat en train de sur­vivre au milieu de la Babylone capi­ta­liste du Web.

Quels sont les mono­poles sur le Web ? Quelle est leur via­bilité écono­mique ? Que rôle joue la concur­rence entre ces mono­poles ? Il est tou­jours facile d’extrapoler à partir du cas Google, en oubliant qu’il est le seul acteur de sa dimension sur l’internet, qu’il est aussi qua­siment le seul ren­table, et que par ailleurs une seule de ses acti­vités (la publicité en ligne) est ren­table (et finance toutes ses autre activités).

Depuis la fin des années 90 et la pre­mière vague de startups, l’économie capi­ta­liste de l’internet fonc­tionne sys­té­ma­ti­quement sur ce modèle : inves­tis­sement massif initial (capital-​​risque) pour tenter d’établir un monopole de fait sur un secteur du marché. C’est ce que je décrivais en février 2000 sous le titre « Les prin­cipes généraux d’une belle arnaque », et qui est désormais connu sous le nom « Modèle IPO » :

L’activité d’une start-​​up, autant du point de vue de l’entreprenaute que du capital-​​risqueur, est donc toute entière tournée vers la séduction des marchés finan­ciers : le but n’est pas la création de richesses et d’emplois, la ren­ta­bilité pro­ductive ni le progrès des com­pé­tences (laissons tout cela aux idéa­listes !), mais l’intoxication des inves­tis­seurs lors de l’introduction sur le marché. L’activité de l’entreprise (vendre des bidules, rerouter des emails, héberger des sites…) est donc secon­daire dans cette optique (et, de toute façon, peu ren­table) : ça n’est que l’alibi d’un men­songe spé­cu­latif plus vaste. Il ne s’agit pas, en quelques années, de réel­lement valoir quelque chose, mais de faire croire au marché que l’on vaut quelque chose.

Pour l’instant, la plupart des « mono­poles » de l’internet suivent tou­jours ce modèle de déve­lop­pement, sans réelle ren­ta­bilité, mais avec un déve­lop­pement ful­gurant à base d’ouvertures du capital. L’explosion de la pre­mière bulle internet nous a débar­rassé de la pre­mière vague de start-​​ups. On ne sait pas ce qui arrivera à la nou­velle vague, mais dénoncer les mono­poles d’aujourd’hui comme un fait écono­mique, poli­tique et social accompli immuable c’est, à nouveau, oublier les rela­tions capi­ta­listes qui régissent ces monopoles.

On bouffait déjà de la « des­truction créa­trice » en 2000, théorie qui date du siècle dernier (Joseph Schum­peter, 1942) : le déve­lop­pement capi­ta­liste des entre­prises vise à l’établissement de mono­poles tem­po­raires de fait, mono­poles qui seront inexo­ra­blement détruits et rem­placés par l’évolution tech­nique et capi­ta­liste. Il faut croire que, dix ans plus tard, par quelques chan­gement capi­ta­liste magique, on devrait être convaincus que des mono­poles sans ren­ta­bilité sont là pour toujours.

Question suivante :

Dans son livre la Richesse des réseaux, Yochai Benkler déclare que l’information n’est pas en concur­rence, et prédit un mode de pro­duction non com­pé­titif. Vous réfutez ce credo.

Là, je suis content de voir citer un livre publié en 2009 pour dénoncer une inno­vation concep­tuelle, la non-​​rivalité de l’information. C’est pourtant l’une des théories à la noix qu’on nous four­guait déjà lors de la pre­mière vague de déve­lop­pement de la nou­velle économie, et j’y consa­crais une longue partie de « Au secours, mon fils entre­pre­naute… » en 2000.

Le théo­ricien des médias dénonce donc ici un mythe déjà dénoncé il y a dix ans, et que la chute de la pre­mière bulle spé­cu­lative de l’internet a déjà, dans la pra­tique, mise à bas.

Mattheo Pasquinelli :

Regardez les tra­vailleurs cog­nitifs et les free­lances créatifs de la pré­tendue géné­ration laptop. Ont-​​ils l’air de ne pas être en concurrence ?

Mais quel rapport entre la non-​​rivalité de l’information et la non-​​concurrence entre ceux qui la pro­duisent ? Per­sonne n’a jamais confondu les deux (à part un pro­vi­dentiel livre de 2009 qui décou­vrirait une vieille lune et un « mode de pro­duction non com­pé­titif »), et même ceux qui théo­ri­saient la non-​​rivalité de l’information la liaient à la concur­rence des entre­prises qui la pro­duisent pour jus­tifier les inves­tis­sement capi­ta­lis­tiques des startups. L’idée (même fausse) étant qu’il fallait investir mas­si­vement, à perte pour une longue période, pour déve­lopper les mono­poles qui, ensuite, ven­draient ce produit dont la vente peut être répétée à l’infini (puisqu’on peut vendre exac­tement le même produit déma­té­rialisé plu­sieurs fois, alors qu’on ne peut vendre un disque phy­sique qu’à un seul client — il faut fabriquer un second disque phy­sique pour un second client).

De fait, la confusion entre la non-​​rivalité d’un bien et la non-​​concurrence des pro­duc­teurs n’a jamais existé, bien au contraire. C’est la concur­rence même des pro­duc­teurs d’un bien non-​​rival qui a jus­tifié les inves­tis­se­ments capi­ta­lis­tiques sur le Web depuis dix ans. C’est un « mythe » inexistant qui est ici dénoncé.

La question sui­vante entend dénoncer « l’exploitation para­si­taire de l’économie imma­té­rielle par l’économie maté­rielle ». Rien de nouveau, mais on note :

Prenons les réseaux peer to peer. Ils sabotent les revenus de l’industrie du disque mais, en même temps, ils établissent un nouveau com­merce, celui des lec­teurs mp3 et iPods.

Cette dénonciation des réseaux peer to peer revient dans le point suivant :

Un exemple basique : le numé­rique a changé le monde de la musique d’une manière néo­féodale. Les réseaux peer to peer ont affecté à la fois les grands noms de l’industrie musicale et l’underground. Le numé­rique a rendu la scène musicale plus com­pé­titive et pola­risée, seuls quelques noms peuvent sur­vivre dans un marché où les disques ne se vendent plus.

Si, évidemment, le progrès tech­nique influe sur l’économie de la musique, l’idée que ce sont les réseaux peer to peer qui « sabotent les revenus de l’industrie du disque » et pro­voquent son passage dans une structure « néo­féodale » est grotesque.

Seuls les tenants les plus obtus de Hadopi pensent cela et peinent à le démontrer. On a le droit de penser que la structure de l’industrie du disque était « féodale » bien avant l’arrivée du numé­rique (et que l’arrivée du numé­rique pourrait être une alter­native à la dépen­dance absolue des artistes face aux indus­triels), et que le numé­rique aug­mente la consom­mation mar­chande des biens culturels tout en ren­forçant la concur­rence entre ces biens (les dépenses consa­crées aux biens culturels aug­mentent lar­gement, mais le disque est concur­rencé par les autres dépenses dans les moyens de com­mu­ni­cation, les jeux vidéo, les abon­ne­ments à la télé­vision, les DVD, etc.).

Puis de dénoncer la gentrification des « villes créatives » :

Prenez les « villes créa­tives » et observez le pro­cessus de gen­tri­fi­cation. Le grand vain­queur de ce capital sym­bo­lique col­lectif produit par les mul­ti­tudes de créatifs branchés est le marché de l’immobilier.

Ou comment inverser tota­lement les causes et les effets (et on se demande quel est le rapport avec le déve­lop­pement de l’internet). La gen­tri­fi­cation des espaces urbains est ana­lysée, par exemple, dans cette étude. Certes, les acteurs peuvent (som­mai­rement) être qua­lifiés de « créatifs branchés » :

La gen­tri­fi­cation pari­sienne est donc prin­ci­pa­lement menée par des acteurs privés à travers la réha­bi­li­tation de l’habitat popu­laire (Clerval, 2008b). Ce sont notamment des artistes et des archi­tectes à la recherche de locaux pro­fes­sionnels qui inves­tissent les anciens espaces arti­sanaux et indus­triels de l’Est parisien dès la fin des années 1970, parfois dans le sillage du mou­vement des squats de cette décennie (Vivant et Charmes, 2008). Mais plus lar­gement, à la même époque, des ménages des classes moyennes – parmi les­quels les pro­fes­sions cultu­relles sont sur-​​représentées – acquièrent des loge­ments dans un quartier popu­laire et les réha­bi­litent (Bidou, 1984)

Mais les causes ne sont pas les « créatifs branchés » eux-​​mêmes, mais des fac­teurs struc­turels de l’emploi et du logement :

Comme ailleurs, la gen­tri­fi­cation des quar­tiers popu­laires pari­siens s’explique par plu­sieurs fac­teurs struc­turels dans le domaine de l’emploi ou du logement. Le plus évident est la baisse continue du nombre d’emplois d’ouvriers en Île-​​de-​​France et à Paris depuis les années 1960. Elle s’accompagne de la baisse du nombre d’emplois peu qua­lifiés du ter­tiaire (employés) à Paris depuis les années 1980, tandis que les emplois de cadres et de pro­fes­sions intel­lec­tuelles supé­rieures (CPIS) aug­mentent consi­dé­ra­blement dans la même période (Rhein, 2007 ; Clerval, 2008b). Cette trans­for­mation de la structure des emplois en Île-​​de-​​France s’explique elle-​​même par la recom­po­sition de la division inter­na­tionale du travail, accé­lérée par les poli­tiques macro-​​économiques néo-​​libérales depuis les années 1980 : la déré­gle­men­tation et l’intégration inter­na­tionale de l’économie favo­risent la mise en concur­rence de la main-d’œuvre ouvrière à l’échelle mon­diale et faci­litent la glo­ba­li­sation de la pro­duction indus­trielle, tandis que la métro­po­li­sation qui en découle entraîne la concen­tration des emplois qua­lifiés en Île-​​de-​​France. Cependant, la trans­for­mation de la structure des emplois ne suffit pas à expliquer la sélection sociale crois­sante à l’œuvre dans l’espace rési­dentiel de Paris intra-​​muros (Clerval, 2008b). Les struc­tures du logement et du marché immo­bilier y accen­tuent les dyna­miques opposées des CPIS et des caté­gories popu­laires (ouvriers et employés). L’habitat popu­laire ancien se dégrade sous l’effet des stra­tégies de ren­ta­bi­li­sation à court terme des bailleurs ou de leur volonté de se des­saisir de leurs biens (en par­ti­culier des immeubles entiers). Les poli­tiques de construction massive de loge­ments sociaux en ban­lieue dans les années 1960-​​1970 ont entraîné un départ important des classes popu­laires pari­siennes en péri­phérie et un effet de vacance dans les quar­tiers popu­laires. Ceux-​​ci sont en partie investis par des popu­la­tions plus pré­caires, souvent immi­grées, ou au contraire par des ménages gen­tri­fieurs. Vacance par­tielle et dégra­dation de l’habitat créent un dif­fé­rentiel de ren­ta­bilité fon­cière (Smith, 1982) dans ces quar­tiers proches du centre : après leur inves­tis­sement par les pre­miers gen­tri­fieurs et l’apparition de com­merces à la mode (Van Crie­ckingen et Fleury, 2006), de nom­breux quar­tiers deviennent poten­tiel­lement lucratifs pour les investisseurs.

La gen­tri­fi­cation n’est en aucune façon causée par les « créatifs branchés ». Ils en sont pour une part les acteurs visibles. Mais les causes réelles sont étran­gères à ces acteurs. Écrire : « Le grand vain­queur de ce capital sym­bo­lique col­lectif produit par les mul­ti­tudes de créatifs branchés est le marché de l’immobilier. » est une inversion de la réalité. Elle est bâtie, en gros, sur la même idée qui permet de pré­tendre que les liber­taires sont la cause du néo­li­bé­ra­lisme capi­ta­liste sur le Web.

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Photo gordon (TK8316) sur Flickr

Mais la fin de l’interview permet de com­prendre pourquoi le théo­ricien séduit les journalistes :

On parle souvent de la crise de la classe ouvrière comme d’une entité poli­tique. Mais ce qui se passe aujourd’hui sous nos yeux est une crise de la classe moyenne cog­nitive. Il y a un mot inté­ressant dans la théorie cri­tique fran­çaise, qui examine le capi­ta­lisme cog­nitif : « déclas­sement » – quand une classe sociale est rabaissée, perdant prestige social et écono­mique. En cette décennie du Net, nous faisons l’expérience d’un déclas­sement massif des tra­vailleurs cog­nitifs devenus des tra­vailleurs pré­caires. Le néo­féo­da­lisme est aussi cette dépos­session des acteurs intermédiaires.

Ah, le monopole Google et la « décennie du net », moteurs du déclas­sement des « tra­vailleurs cog­nitifs ». Au premier rang des­quels, on s’en doute, les journalistes.

Mais la trans­for­mation des jour­na­listes en « intellos pré­caires » n’a pas attendu « la décennie du Net ». Là encore, on confond acteurs et causes.

D’abord, il est évident qu’après avoir laminé les classes popu­laires (fin des années 70, début des années 80), le néo­li­bé­ra­lisme s’attaquerait à la classe du dessus.

Le déclas­sement des diplômés est un phé­nomène qui n’a rien à voir avec le Net. Lire par exemple cet article de Sciences humaines.

Au début des années 2000, selon l’étude de Lau­rence Lizé, cher­cheuse à l’université Paris-​​I, environ un tiers des jeunes subissent une situation de déclas­sement. La plus forte crois­sance du phé­nomène se situe entre 1986 et 1995 et a par­ti­cu­liè­rement touché les titu­laires d’un bac et d’un bac +2. La période de tas­sement de l’emploi entre 2001 et 2004 a quant à elle atteint plus sévè­rement les plus diplômés : le pour­centage de diplômés du 3e cycle à devenir cadre est alors tombé de 85 % à 70 %.

Ce déclas­sement, en forte crois­sance entre 1986 et 1995 (faire moins bien que mes parents, à même niveau d’étude), d’ailleurs, j’en témoi­gnais ici même en 1996.

Quant à la trans­for­mation de la presse et la pré­ca­ri­sation des jour­na­listes, là non plus on n’a pas attendu « la décennie du Net » pour mettre en place les poli­tiques néo­li­bé­rales qui ont pro­fon­dément changé la situation : la libé­ra­li­sation de la télé­vision et de la radio, c’est dans les années 1980, avec les modèles Bouygues et Ber­lusconi ; la mutation du quo­tidien Le Monde est bien entamée dans les années 90 ; la trans­for­mation de la presse en « groupes mul­ti­médias » à base d’investissements capi­ta­lis­tiques massifs se fait en même temps que la pre­mière bulle internet. Et on pourra lire de nom­breux billets de Narvic pour se remé­morer les choix stra­té­giques aber­rants des entre­prises de presse sur le Web, qui n’ont pas grand chose à voir avec une nature intrin­sèque de l’internet.

Revenons sur la question des « creative commons » et de la « culture libre », qui n’est pas réel­lement traitée dans l’interview, mais semble cen­trale dans son livre. Il y a à nouveau une confusion : les entre­prises du « Web 2.0 » (pour sim­plifier) dont l’activité est fondée sur l’exploitation mar­chande de contenus générés par les usagers n’ont jamais mis les « creative commons » en avant. Au contraire, toutes ont com­mencé par entre­tenir un flou vaguement artis­tique sur la pro­priété des contenus. Ça n’est que sous la pression des usagers que sont apparus les exposés clairs des licences uti­lisées ; une large partie des entre­prises a alors explicité que, tout sim­plement, le contenu devenait la pro­priété du service mar­chand ; et une minorité a mis en avant la pos­si­bilité de passer ses créa­tions sous Creative Commons (par exemple Flickr). Dans ce cas (l’usager définit la licence de ses propres apports), les Creative Commons sont arrivées comme un moyen de for­ma­liser une situation de fait en redonnant, a pos­te­riori, un certain contrôle par l’usager.

Avant cela, la situation emblé­ma­tique a été IMDB ; cette énorme base de données ali­mentée par les usagers a été vendue à Amazon en 1998 : les mil­liers d’usagers qui avaient fabriqué cette res­source docu­men­taire phé­no­ménale se sont sentis exploités lors de cette revente au profit des seuls créa­teurs « tech­niques » du service. Et sans la conscience apportée par la suite par les mou­ve­ments du libre et des Creative Commons au néces­saire contrôle des usagers sur les licences des sites contri­butifs, ils n’avaient aucune arme, ni juri­dique ni même concep­tuelle, pour répondre à une telle situation.

Ça n’est donc pas la « free culture » qui a fabriqué ni permis l’exploitation com­mer­ciale du travail col­lectif. C’est au contraire elle qui tente de fournir des armes intel­lec­tuelles et juri­diques aux contri­bu­teurs de ce travail col­lectif. Sans la « free culture », la question ne se poserait pas, et le transfert sys­té­ma­tique des droits vers les entre­prises serait aujourd’hui le seul modèle existant.

Un extrait d’un autre texte de Pas­qui­nelli aborde le sujet de la « culture libre », « Imma­terial Civil War » :

An example of the com­pe­tition advantage in the digital domain is the Wired CD included with the November 2004 issue under the Creative Commons licences. Music tracks were donated by Beastie Boys, David Byrne, Gil­berto Gil, etc. for free copying, sharing and sam­pling (see : http://www.creativecommons.org/wired). The neo­li­beral agenda of Wired magazine pro­vides the clear coor­di­nates for unders­tanding that ope­ration. Indeed, there are more examples of musi­cians and brain workers that asso­ciate their activity with copyleft, Creative Commons or file sharing on P2P net­works. We only heard about the first runners, as it is no longer a novelty for those who came second. Anyway, there never is a total adhe­rence to the Creative Commons crusade, it is always a hybrid strategy : I release part of my work as open and free to gain visi­bility and cre­di­bility, but not the whole work. Another strategy is that you can copy and dis­tribute all this content, but not now, only in four months. And there are also people com­plaining about Creative Commons and Free Software being hijacked by cor­po­ra­tions and majors – the point is that the world out there is full of bad music which is free to copy and dis­tribute. No scandal, we have always sus­pected it was a race.

Parce que des néo­li­béraux uti­lisent l’argument libre, parce que des artistes de renommée mon­diale (signés et liés contrac­tuel­lement à leur major) dif­fusent une partie des mor­ceaux à titre publi­ci­taire sous cet emballage, en confondant Copyleft, Creative Commons, logi­ciels libres et réseaux P2P, en occultant la qualité et la richesse des pro­duc­tions « libres » par ailleurs, en oubliant que dans une société capi­ta­liste aucun individu ne peut faire l’impasse sur les impé­ratifs écono­miques qui pèsent quo­ti­dien­nement sur lui, il est aisé de conclure que la phi­lo­sophie du libre n’est qu’une course de rats.

Quant à l’aggravation de la cession des droits d’auteurs des jour­na­listes sur l’internet, elle n’est pas non plus due aux mili­tants du libre, mais aux lobbies de patrons de presse relayés par le légis­lateur : « Hadopi contre le droit d’auteur des jour­na­listes : c’est confirmé ». Dif­ficile de trouver ici un rapport avec la phi­lo­sophie des Creative Commons.

Évidemment, après la dénon­ciation des pseudos-​​tabous de l’internet, on peut se per­mettre de pré­tendre être le premier à réfléchir :

Nous devrions réel­lement com­mencer à dis­cuter la pro­duction, l’extraction et l’accumulation de valeurs écono­miques réelles réa­lisées à partir des réseaux plutôt que de nous com­plaire dans un idéa­lisme bon marché.

Tiens, je me demande bien qui, avant Matteo Pasquinelli, aurait bien pu « com­mencer à dis­cuter la pro­duction, l’extraction et l’accumulation de valeurs écono­miques réelles » dans une société en per­pé­tuelle mutation ?

La bour­geoisie ne peut exister sans révo­lu­tionner constamment les ins­tru­ments de pro­duction, ce qui veut dire les rap­ports de pro­duction, c’est-à-dire l’ensemble des rap­ports sociaux. […] Ce bou­le­ver­sement continuel de la pro­duction, ce constant ébran­lement de tout le système social, cette agi­tation et cette insé­curité per­pé­tuelles dis­tinguent l’époque bour­geoise de toutes les pré­cé­dentes. Tous les rap­ports sociaux, figés et cou­verts de rouille, avec leur cortège de concep­tions et d’idées antiques et véné­rables, se dis­solvent ; ceux qui les rem­placent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et per­ma­nence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs condi­tions d’existence et leurs rap­ports réci­proques avec des yeux désabusés.

Article initialement publié sur Le Scarabée

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#CantineRMX : les djs des NTIC fêtent leurs deux ans http://owni.fr/2010/01/25/cantinermx-les-djs-des-ntic-fetent-leurs-deux-ans/ http://owni.fr/2010/01/25/cantinermx-les-djs-des-ntic-fetent-leurs-deux-ans/#comments Mon, 25 Jan 2010 16:59:18 +0000 Abeline Majorel http://owni.fr/?p=7243 Free Culture, cela vous dit quelque chose ? Et bien, à l’occasion de son deuxième anniversaire, La Cantine a l’audace de remixer Laurence Lessig trois jours durant. Le 26, 27 et 28 janvier, la Cantine est fidèle à sa vocation de promouvoir et accueillir tous les acteurs de l’innovation numérique en vous offrant 3 jours de fête UGC.

Chaque intervenant a répondu à l’appel à projets de Silicon Sentier de contribuer à animer cet anniversaire. Tous ensemble, nous pouvons remixer cet espace central et essentiel de la culture numérique.

Vous cherchez les meilleurs spécialistes de Drupal ou de Wordpress ? Vous voulez connaître l’algorithme de l’Appstore ? Vous cherchez à comprendre le web de données ? Les transformations des média vous intéressent ? Vous voulez manager autrement ? Construire des objets interactifs indépendants ? Vous êtes un artiste souhaitant mixer art et techno ?

Que vous soyez un expert ou un simple passionné, Silicon Sentier vous offrira un panorama complet fait par les meilleurs experts de NTIC. Workshop ou conférence, tout sera fait dans l’esprit qui anime les équipes de Silicon Sentier : le partage et le dynamisme. Un programme alléchant que vous pourrez retrouver ici et qui vous donnera envie d’être un des 700 inscrits et participants à cet évènement.

Et pour le dernier mix avant de dormir, Silicon Sentier vous invite à vous rencontrer, vous mélanger, dans une ambiance zen et festive, lors la soirée de clôture de l’anniversaire .

Pour vous inscrire, rendez vous ici


Pour suivre REMIX sur twitter #CantineRMX

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Chris Anderson et l’économie de l’attention http://owni.fr/2009/09/25/chris-anderson-et-l%e2%80%99economie-de-l%e2%80%99attention/ http://owni.fr/2009/09/25/chris-anderson-et-l%e2%80%99economie-de-l%e2%80%99attention/#comments Fri, 25 Sep 2009 09:02:19 +0000 Admin http://owni.fr/?p=3924 Sur son blog, Alexis Mons revient sur la sortie en France du dernier livre de Chris Anderson, Free, et en profite pour préciser sa vision de l’économie de l’attention :

” En plein dans les débats sur l’avenir des médias à l’ère digitale, dans le bourbier Hadopi, Google et la BNF, et les chimères que certains nous dressent face à l’illusion du gratuit, j’ai été assez surpris de lire si peu de choses que ça par rapport à la parution en français de “Free” de Chris Anderson…”

> Lire la suite sur le blog d’Alexis Mons

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Free pas free : arnaque marketing ? http://owni.fr/2009/08/28/free-pas-free-arnaque-marketing/ http://owni.fr/2009/08/28/free-pas-free-arnaque-marketing/#comments Fri, 28 Aug 2009 14:31:25 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=2925 Anderson1

Je lis Chris Anderson depuis longtemps. Il est l’un des intellectuels qui compte pour moi (à tel point que, un peu plus tôt dans la journée, j’ai écrit CHRIST Anderson dans un tweet). J’ai suivi l’aventure de son nouveau livre Free sur son blog, j’en ai parlé après l’article de Wired en juin 2008 et j’ai été heureux d’apprendre que le livre serait distribué gratuitement en version électronique.

À la sortie du livre aux États-Unis le 7 juillet, j’ai voulu lire le livre sur scribd. Manque de chance, le livre était bloqué pour les lecteurs étrangers. Explication sur le blog d’Anderson :

FREE will be available in all digital forms–ebook, web book, and audiobook–for free shortly after the hardcover is published on July 7th (exact dates will be announced in the posts at left as each form is released). The ebook and web book will be free for a limited time and limited to certain geographic regions as determined by each national publisher; the unabridged audiobook will be available free forever, available in all regions.

Traduisez. « Mon éditeur est Ok pour la gratuité aux États-Unis, ailleurs c’est pas la même histoire. Les éditeurs étrangers feront ce qu’ils voudront. »

J’aurais pu télécharger le livre via un proxy mais je n’avais guère le temps de lire Anderson à ce moment. C’est juste aujourd’hui, en fin de vacances, que l’envie de lire Anderson me revient en même temps que Pearson sort la traduction française.

Mais où est la version gratuite ? Je sais que traduire coûte cher et que Pearson ne sera pas chaud pour diffuser le PDF français mais quid de l’accord entre la théorie et la pratique ? Il me semble que la version anglaise devrait, au moins pour un mois, être disponible en France à l’occasion de cette sortie.

Nous avons discuté de cela aujourd’hui sur Twitter, nous avons récupéré un PDF et je viens de le mettre sur un serveur car il me semble que, dans l’esprit, ce livre sur le gratuit doit rester gratuit. Je ne comprends même pas pourquoi Anderson a limité à un mois la gratuité, surtout quand l’audio lui est gratuit ad vitam.

Encore une fois ne sommes-nous pas dans le cas d’un détournement de la technologie à seule fin de faire du buzz ? Ou plutôt, ce qui est plus probable, ne sommes-nous pas dans cette situation de plus en plus problématique où le nouveau monde décrit par Anderson se nourrit sur le dos de l’ancien monde, étant incapable lui-même de trouver son modèle ?

Anderson nous a donné un avant-goût du nouveau monde pour un mois puis nous ramène brutalement dans l’ancien monde. En France, nous aimerions aussi y goûter un peu. Surtout dans le pays du hadopisme.

PS : J’ai envoyé un petit mail à Aderson. Extrait «Today Free is available in French in paper format but is not available for free in digital format. I understand why it’s not free in French but I believe the English version should be free in France for at least a month, just like in the US. [...] I just wanted to let you know: maybe you can help with Pearson France ? It is a very important issue in France because of the war between the government and the Net community (you may have heard of the Hadopi law).»

Un article de Thierry Crouzet initialement publié sur Le Peuple des Connecteurs

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RIP : A Remix Manifesto http://owni.fr/2009/05/28/rip-a-remix-manifesto/ http://owni.fr/2009/05/28/rip-a-remix-manifesto/#comments Thu, 28 May 2009 13:59:50 +0000 corentinallard http://owni.fr/?p=1349 Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Partager n’est pas voler http://owni.fr/2009/04/24/partager-nest-pas-voler/ http://owni.fr/2009/04/24/partager-nest-pas-voler/#comments Thu, 23 Apr 2009 23:36:50 +0000 Epelboin http://owni.fr/?p=471 Cliquer ici pour voir la vidéo.

« Si la nature a rendu moins susceptible que toute autre chose d’appropriation exclusive, c’est bien l’action du pouvoir de la pensée que l’on appelle une idée, qu’un individu peut posséder de façon exclusive aussi longtemps qu’il la garde pour lui ; mais au moment où elle est divulguée, elle devient la possession de tous, et celui qui la reçoit ne peut pas en être dépossédé. Sa propriété particulière, aussi, est que personne ne la possède moins parce que tout le monde la possède. Celui qui reçoit une idée de moi reçoit un savoir sans diminuer le mien ; tout comme celui qui allume sa bougie à la mienne reçoit la lumière sans me plonger dans la pénombre. Que les idées circulent librement de l’un à l’autre partout sur la planète »

Thomas Jefferson, président des États-Unis d’Amérique de 1801 à 1809.

(via: La Quadrature du Net)

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