OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Drones d’intérêt général http://owni.fr/2012/06/03/telecomix-syrie-ong-drone/ http://owni.fr/2012/06/03/telecomix-syrie-ong-drone/#comments Sun, 03 Jun 2012 16:40:45 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=112381

Le drone

Ce samedi , au Salon des solidarités à Paris, un drôle d’engin vrombissait entre un stand de Médecin du Monde et une échoppe de bijoux équitables  : un drone miniature, présenté dans le cadre d’une rencontre “hackers et ONG“. La bestiole vient tout droit de Bretagne, où une poignée de membres du collectif d’hacktivistes Telecomix s’est attelé à son développement. Car ce drone n’est pas destiné à butiner dans le clair ciel français mais à aider les Syriens en lutte contre la dictature de Bachar el Assad.

KheOps, pseudo qui cache un jeune homme juvénile aux longs cheveux blonds, a lancé l’initiative, choqué par la mort des journalistes Marie Colvin et Rémi Ochlik cet hiver :

Il vaut mieux perdre un drone qu’un journaliste.

L’opération en Syrie vue de l’intérieur

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KheOps est l'un des hackers de l'opération menée en Syrie pour contourner la censure. Il revient sur la genèse du projet, ...

Au royaume de la do-ocratie chère aux hackers, peu importe les intentions, seuls comptent les actions concrètes. Depuis plusieurs semaines, KheOps, aidé d’autres “agents” Telecomix, comme ils se nomment, s’est donc attelé à construire un engin customisé.

Avec ce projet, Telecomix rajoute une pierre à l’édifice solidaire de 1 et de 0 qu’ils ont construits durant les révolutions arabes, selon son motto. Le collectif informel, pour reprendre l’expression de Tomate, un de ses agents allemands, “est une idée. L’idée de la communication libre. N’importe quel type de communication.” Tunisie, Égypte, et donc Syrie, le groupe a aidé et aide encore les peuples à utiliser Internet en toute sécurité, un véritable travail d’“éducation”. Alors que la Syrie semble avoir mis cette semaine un nouveau tour de vis et que le conflit s’enlise, les agents ne sont pas près de quitter ce terrain.

Documenter le projet

Le drone doit faciliter la récolte et la diffusion des informations, en se jouant des snipers en embuscade.  Ses spécifications obéissent donc à un impératif, comme l’explique KheOps :

La personne doit prendre le moins de risques possibles, elle doit pouvoir piloter à vue, grâce à une caméra.

Drones d’hacktivistes

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Les drones sont partout. À l'origine utilisés par les militaires, ces engins sont détournés de leur usage, en particulier ...

La caméra est aussi équipée d’un émetteur pour que les images soient diffusées en direct, dans un rayon théorique de quelques kilomètres. Histoire de ne pas réinventer la poudre, le petit groupe de travail s’est aussi  inspiré des nombreux projets qui ont été développés ces derniers mois, dans ce même état d’esprit de surveiller les surveillants, comme occucopter, bidouillé par les manifestants du mouvement Occupy Wall Street. “Nous avons scotché des bouts épars avec du chatterton, poursuit Okhin, étique agent à très haut débit, le “cerveau”du drone, le contrôleur, existe par exemple déjà, et il s’agit ensuite de le patcher, en fonction de notre expérience.”

Pour être honnête, la démonstration de ce samedi a été un peu contrariée : “Il ne marche pas encore, il a marchoté hier, s’excuse KheOps. On n’y connait rien, on apprend sur le tas.” L’objectif est de le finir fin juin, le plus important étant de fournir une documentation claire pour que le drone puisse facilement être reproduit. Avec un effet pervers dont ils sont bien conscients : le drone pourra tout aussi bien être utilisé à des fins de répression.

Restera un problème à résoudre, amener le matériel, car les drones grand public et les caméras ne courent pas les rues en Syrie. Et c’est là que les liens que Telecomix a tissé avec quelques ONG peuvent être utiles, comme le rappelle Ksa :

On va se débrouiller pour les faire rentrer par les réseaux des ONG, via la Turquie, le Liban ou la Jordanie. On n’a pas forcément besoin des ONG mais avec, c’est mieux.

Les hackers forment les journalistes

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La semaine dernière, hackers et journalistes avaient rendez-vous. L'objectif : apprendre à sécuriser ses connexions à ...

Étonnant pour qui méconnait le milieu des hackers, le rapprochement avec les ONG en zone de crise est logique : sens de la bidouille-débrouille, le fameux DIY (Do It Yourself), liberté de communication comme principe sacré, nécessité de protéger son identité dans certaines circonstances, conscience aiguë de la fragilité des infrastructures techniques et donc de la résilience, sont autant de points d’accroche et surtout de collaboration. Les hackers ont déjà une longue tradition d’engagement actif, avec par exemple le collectif Hacktivismo, créé en 1999, une émanation du mythique Cult of the Dead cow, qui aurait le premier employé le terme d’hacktivisme en 1996. “Certains portent d’ailleurs la double casquette hackers-ONG”, note l’un des agents.

“On a déjà collaboré avec RSF (Reporters sans frontières, ndlr), rappelle KheOps, on les connait, on s’entend bien.” Avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la rencontre s’est faite “dès la fuite de Ben Ali, quand Telecomix a commencé à soutenir des organisations. Après évaluation des besoins, nous avons mis en place un coffre-fort numérique pour conserver les archives”, se souvient Nicolas Diaz. Avec ses longs cheveux qui rivalisent avec ceux de KheOps ou d’Okhin, Nicolas Diaz ne dépareille pas. Responsable du système d’information et webmaster de l’ONG, il est déjà en terrain familier. Nous avons développé des outils de communication chiffrés avec des membres de Ubuntu et de Telecomix”, précise-t-il. Pointus, hyper-réactifs, peu avares de leur temps, nos hacktivistes ont parfois besoin d’un peu de “pondération, face aux impératifs techniques”, analyse-t-il.

Cette union forte a déjà abouti au projet Syrian stories, lancé en mars. Cette plate-forme rassemble des vidéos sélectionnées et mises en contexte, en puisant dans les documents de Telecomix Broadcast System (TBS), une base de données mise en ligne au même moment.  Le tout forme une timeline-mémorial beaucoup plus éditorialisée que la matière assez brute (dans tous les sens du terme), de TBS. Et plus tard, inch’ allah, ces images pourront servir de preuve à charge dans des procès.

La Pirate Box

Telecomix : « hacker pour la liberté »

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Telecomix n'a pas de leader, ni de hiérarchie. Ce n'est pas une organisation, mais une "désorganisation" bien réelle qui ...

Ils envisagent aussi de détourner le concept de la Pirate Box, qui en soi-même est un hack. À l’origine, la Pirate Box est un outil open source gros comme une boite à lunch qui émet un réseau wifi pour vous permettre de partager des fichiers avec n’importe qui, sans nécessité de dévoiler son identité. Une invitation à retrouver les joies du partage de la culture et de la culture du partage. En guise de partage de musique, l’outil version terrain de guerre pourrait servir à communiquer dans un périmètre critique, un immeuble bombardé par exemple. Leur Pirate Poney Box, comme ils ont baptisé avec humour leur version, est ainsi équipée d’un module de chat anonymisé. Peu coûteuses, “25 dollars chez les Chinois”, plaisante Okhin, alimentées par un panneau solaire, plusieurs Pirate Boxes pourraient former un mini-réseau maillé, qui passerait les informations de relai en relai.

Lulz et honneur

En un an, Telecomix a acquis une belle notoriété que ses agents étaient loin d’imaginer. “Hype”, entouré d’une aura de magicien de la technique, les hacktivistes sont sollicités de toutes parts. “Nous ne pouvons pas aider tout le monde, tranche Okhin, les ONG ne doivent pas dépendre des hackers mais être autonomes. Nous mettons en ligne de la documentation, utilisez-la ! Et puis ce serait mauvais pour notre égo qu’on devienne des James Bond.”

On leur fait confiance pour éviter cet écueil, tant le lol fait partie de leur ADN.  Ces jeunes gens en baggies et baskets ont conscience de la gravité des événements mais leur approche reste ludique, parce que le goût pour le défi technique est inhérent aux hackers. Ils n’oublient jamais non plus ce pas de côté salutaire, la pirouette distanciatrice. Un peu comme si le général de Gaulle avait glissé un LOLcat entre deux missives. Une philosophie résumée d’une phrase, jetée dans un éclat de rire par un Okhin monté sur ressorts caféinés :

On ne fait rien d’extraordinaire à part ne pas dormir. Si ça nous faisait chier (sic) de sauver le monde, on ne le ferait pas.


Texte Sabine Blanc et photos Ophelia Noor

À lire aussi L’open source au service de l’humanitaire, le compte-rendu d’une autre conférence organisée dans le cadre de la rencontre hackers et ONG

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Sur les traces de la PirateBox http://owni.fr/2011/04/20/sur-les-traces-de-la-pirate-box/ http://owni.fr/2011/04/20/sur-les-traces-de-la-pirate-box/#comments Wed, 20 Apr 2011 08:20:26 +0000 microtokyo http://owni.fr/?p=56561

Passer un week-end à la campagne a du bon : rien de tel qu’une randonnée pour entretenir vos muscles et voir les effets de la rurbanisation. Se mettre au vert, c’est aussi l’occasion d’un apéro au cours duquel vos amis vous soufflent votre prochain sujet de post. Samedi soir, c’est donc au pote/DJ/producteur de drum n’bass-dubstep Jean Zar de délivrer le précieux mot clé : PirateBox. Qu’il soit à nouveau remercié ici, la notion de piratage urbain me taraudant depuis la visite de la Demeure du chaos.

Les corsaires du XVIIIe siècle auraient pu se cantonner aux cours de récré si leurs aspirations ne nourrissaient pas aussi celles des adultes. Que mettent en scène des œuvres aussi différentes que la saga Pirates des Caraïbes et le célèbre essai d’Hakim Bey, TAZ [pdf] - Zones d’autonomie temporaire (1997) ? Des individus réunis dans des espaces démocratiques où chacun échange et partage librement, en marge d’un État centralisateur distillant l’information au compte-goutte à ses populations. À moins d’être vraiment réac’, comment ne pas adhérer ?

Hadopi, muse des hackers ?

Intéressons-nous à Bey. Dès le début du web, il voit dans ce réseau non hiérarchisé d’informations le terreau idéal pour ses zones temporaires d’autonomie. L’évolution de la marche mondiale lui donnera raison :

Comme Gibson et Sterling, je ne pense pas que le Net officiel  parviendra un jour à interrompre le Web ou le contre-Net. Le piratage de données, les transmissions non autorisées et le libre-flux de l’information ne peuvent être arrêtés. En fait la théorie du chaos, telle que je la comprends, prédit l’impossibilité de tout Système de Contrôle universel. Le web n’est pas une fin en soi. C’est une arme.

Une arme ? Plutôt un arsenal : co-production de logiciels libres, hackers, espaces d’expression participatifs et communautés affinitaires sont autant de techniques permettant de contrer lois et monopoles.

Dernière pépite française en date, Hadopi, ou comment faire la chasse aux internautes soupçonnés de télécharger illégalement des fichiers sur le principe du mouchardage. Dans un premier temps, des acteurs privés comme les ayants droit et les éditeurs épient puis dénoncent les adresses IP des ordinateurs incriminés en s’invitant dans les échanges  peer-to-peer. Le ver est dans le fruit.

C’est ensuite Hadopi (donc l’État) qui sévit : mails d’avertissement, lettres en recommandé, amende, voire suspension de connexion ou procès. Surveiller et punir, on connaissait déjà la chanson. C’était sans compter sur la débrouillardise des internautes fort empressés d’appliquer la stratégie de la disparition si chère à Nietzsche, Foucault et Deleuze. S’extraire du regard omniprésent de la loi en cryptant l’adresse IP de son ordinateur personnel ou en indiquant une fausse.

Le développeur allemand I2P [en] propose ainsi un réseau d’adresses IP anonymes. Le navigateur libre Mozilla va dans le même sens en proposant la fonctionnalité Do not track [en]. Cette stratégie renvoie peut-être à deux demandes de liberté plus fondamentales : celle d’échanger librement des paroles et des fichiers, et celle d’utiliser le web anonymement, en toute privacité , sans être traqué par d’innombrables mouchards – sites, navigateurs et moteurs de recherche en tête. Les données de votre connexion Internet engraissent bien des informaticiens et des marketeurs !

Elle revient à moins de 100 euros

Si cette dernière phrase vous donne la chair de poule, c’est que la PirateBox [en] est pour vous. Conçue par l’universitaire new-yorkais David Darts [en], c’est une boîte à repas pour enfants… abritant une plateforme WiFi portable permettant de chatter et de partager tous types de fichiers dans le plus parfait anonymat. Sobrement composée d’un routeur wireless, d’un serveur Linux connecté à un disque dur USB et d’une batterie, la PirateBox permet à tout internaute se trouvant à proximité de se connecter et d’échanger avec les membres du réseau. De quoi satisfaire les plus mobiles d’entre nous !

Fonctionnant en réseau fermé (pas de raccord avec d’autres box ou d’autres sites), les avantages sont nombreux : le caractère éphémère et hyperlocal du réseau permet de rencontrer de nouvelles têtes partout où se trouve une PirateBox. On rompt ainsi avec l’entre soi assez typique des communautés supposées plus ouvertes (Facebook, QuePasa…).

D’autre part, le fait que la box n’enregistre ni votre adresse ni votre historique de navigation permet d’échanger des fichiers sans risquer de passer sous les fourches caudines des sbires d’Hadopi. Mobilité, privacité et simplicité semblent les atouts de cette box enfantine. Histoire de joindre l’utile à l’agréable, le design du skull apporte un doux parfum de détournement.

Mais le plus fort dans cette affaire, c’est que, dans le plus pur esprit Do It Yourself, vous pouvez monter une PirateBox vous-même pour moins de 100 euros. David Darts est un mec bien, il vous laisse les tutoriels ici [en] ! On vous sent brûlant d’impatience, regardez ce petit docu :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Déjà utilisée à NYC, Oslo ou Paris, la boîte pirate est bien plus qu’un simple gadget technologique. En misant sur son caractère artisanal et privatif, elle relativise la notion (si tendance) de trace numérique.

À l’heure où l’on parle à tout bout de champ d’éditorialisation participative de la ville, la Box semble remixer plusieurs leitmotivs alternatifs : la générosité et la bonne humeur hippie, le no future punk des années 70, la méfiance des radios rock face aux industries culturelles et l’anonymat des  raves parties des années 1990.

La PirateBox n’en finit pas avec les traces. Elle permet aux usagers à la fois d’en laisser entre membres du réseau (amitiés naissantes, partage de fichiers et de valeurs), et de ne pas en laisser à leur insu à des acteurs du web intéressés par l’argent et/ou le pouvoir.

Le savoir, j’y ai droit !

On le sait, la technologie n’est qu’un outil. Elle ne donne ni le mode d’emploi clé en main ni le sens à la société qui l’utilise. Toute généreuse que soit la PirateBox, elle ne résout pas la confusion qui s’opère souvent entre désir d’accès pour tous au savoir et protection des droits d’auteurs. A moins de devenir soi-même un tyran, on ne peut systématiquement en appeler à la générosité forcée de celles et ceux qui créent quelque chose de leur tête et/ou de leurs mains.
Risquons-nous à cette banalité : en ce monde où il est difficile de ne vivre que d’amour et d’eau fraîche, il est légitime pour un créateur de vouloir et pouvoir gagner sa vie avec son travail. La PirateBox aurait t-elle le même potentiel d’effet pervers que les échanges peer-to-peer ?

David Darts propose la Free Art Licence [en], sur le principe du copyleft, double jeu de mot par rapport au copyright. Parmi les grands axes de celui-ci, copying in not theft !. En d’autres termes, un auteur peut autoriser la copie, la diffusion, l’utilisation et la modification de son œuvre par des tiers.

Sans être juriste, on peut se rappeler ce que disait le sociologue Marcel Mauss il y a près d’un siècle : toute société, à commencer par celles traditionnelles non régies par l’argent roi, fonctionne sur le principe du don et du contre-don. Le fait d’avoir toujours une obligation de réciprocité, fut-elle symbolique (reconnaissance, soutien, participation), permet d’équilibrer les rapports sociaux et rend possible davantage d’égalité. Ce que fait l’autre est à la fois un don et un dû dès lors que je m’inscris dans la même logique d’échange.

Cette PirateBox, on l’aime parce qu’elle est accessible à tous, nous fait gagner en privacité et facilite la diffusion du savoir hors des seuls paramètres du profit. On l’aime aussi en ce qu’elle est un outil de questionnement sur nos pratiques de téléchargement et notre rapport à la production d’œuvres. Le débat amorcé par les licences libres et l’éthique sont de bonnes pistes.

Par exemple, cette maxime de la plate-forme de labels musicaux indépendants, CD1D : télécharger c’est découvrir, acheter c’est soutenir. Mais aussi, celle de Lénine reprise par quelqu’un de plus pacifique, Edgar Morin : moins mais mieux.


Publié initialement sur le blog Microtokyo, sous le titre, Avec la Pirate Box, partager votre butin !
Crédits photos et illustrations :
Photos de la Pirate Box par David Darts [cc-by-nc-sa] ; Logo du Copyleft stylisé pirate ; Leaker-Hacker par Abode of Chaos [cc-by] sur Flickr

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