OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les data en forme http://owni.fr/2012/08/14/les-data-en-forme-episode43/ http://owni.fr/2012/08/14/les-data-en-forme-episode43/#comments Tue, 14 Aug 2012 09:15:22 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=118044 Nous entamerons ce 43e épisode des Data en forme en finissant de moissonner la couverture “data” des JO à travers le monde — après deux chroniques (def41, def42) entièrement dédiées à cet événement planétaire. Et aujourd’hui, place au bilan.

Dernier tour, dernière manche

Côté US, c’est le Wall Street Journal qui s’est collé le mieux à l’exercice périlleux (en termes d’ergonomie, notamment) de la restitution graphique dudit bilan sportif. À défaut d’être réellement surprenant, l’exercice du WSJ “The Olympic Medal Count” [en] est propre, lisible et léger : une carte du monde, des ronds dans l’eau taillés proportionnellement au nombre de récompenses obtenues (ça bouchonne un peu en Europe), une possibilité de filtrer par discipline et par couleur de médaille — et, bien sûr, d’avoir le récapitulatif exhaustif des champions par pays. Comme on dit : c’est de l’interactive design.

Côté français, sans forfanterie : la performance est nettement supérieure (ça compensera). L’application “Jeux Olympiques de Londres“, publiée par France Info et réalisée par les amis de WeDoData, part avec la même intention de faire propre et léger.

Au final toutefois : un design plus léché, une frise chronologique bien sentie, un module “Regardez les JO autrement” affichant un classement des médailles “par habitants” (qu’on aurait vu au singulier), “par richesse” et “par délégation” qui part d’un très bon sentiment — et qui manque sans doute un peu de clarté (méthodologie ?). On ne ratera pas non plus le trombinoscope “Les Français” qui offre un véritable panorama sportif de la délégation tricolore et la petite fiche d’identité de chacun d’eux.

En bref, un projet bien mené, globalement bien conçu et gentiment réalisé. Cerise sur le gâteau : la petite explication de texte de Jean Abbiateci sur le scraping (récolte) de données qu’il a effectué pour WeDoData à l’occasion. Humilité et partage, les deux mamelles du datajournalisme !

Niveau bilan, l’intarissable Guardian nous gratifie cette semaine d’un dernier coup de fouet en pondant l’article attendu “Londres 2012 et le journalisme de données : qu’avons-nous appris des Jeux olympiques ?” [en]. Simon Rogers y pose les bases de sa réflexion — qui fera sans doute consensus, comme souvent : 1) il existe plus d’une manière [en] de lire le classement des médailles (ce que l’app française tente sans doute de démontrer aussi) ; 2) les pays n’ont pas gagné leurs médailles de la même manière [en] qu’en 2008 ; 3) les médaillé(e)s britanniques proviennent davantage des écoles publiques [en] qu’en 2008 ; 4) les athlètes sont (dé)formés [en] par leur discipline ; 5) la Grande-Bretagne n’est pas si nulle que ça [en] comparée aux Etats-Unis (ah, les pinailleries familiales) ; 6) les nageurs et nageuses vont de plus en plus vite [en] ; 7) d’où vient et où va l’argent des JO [en] — et ainsi de suite pour mettre en valeur le travail remarquable du fleuron européen du “ddj” tout au long de la compétition. À ne pas rater.

Allez, on abandonne (enfin ?) les Jeux olympiques pour revenir à la veille classique. Et il reste du lourd cette semaine à vous proposer.

Mon nom est Data — Pôle Data

Les amateurs du personnage mythique de James Bond seront forcément conquis par “007 – The Business of Bond” [en], très bon boulot de Kelvin Luck avec — là encore — tout plein de JavaScript rigolo, dont le très en vogue d3.js. Cette application a été soumise au défi “Diagrams are forever” [en] chez Information is Beautiful (David McCandless) et nous serions surpris qu’elle ne touche pas le jury d’éminents spécialistes, tant elle est conçue simplement et efficacement. Ce sont donc 22 films mis bout à bout, un rappel de leur fréquentation (US et Europe) et de leur coût de fabrication qui permet en un coup d’oeil de cerner le niveau de rentabilité de chacun (avec réajustement de l’inflation ou pas). Et tu sais quoi ? Tu peux pas test Sean Connery.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pourquoi les Américains sont si…

La question ne nous brûle pas les lèvres cette semaine, mais elle a visiblement mis des fourmis dans les doigts de Renee DiResta, investisseuse sanfranciscaine dans le civil, sur son blog No Upside. En cette période un peu chaude outre-Atlantique (élections, tout ça) et propice à l’exacerbation des différences entre #lesgens, Renee s’est demandée comment les Américains se perçoivent eux-mêmes [en]. Son postulat : taper “Why is [un des 50 états de l'Union] so” (“Pourquoi [x] est si…”) dans Google et voir ce que Google Suggest… lui suggérait.

Si vous êtes lecteur d’Owni, vous savez que Google Suggest nous éveille particulièrement. Et l’expérience data de Renee DiResta est amadouante à plus d’un titre (donc) : d’abord, la dame est investisseuse et pas journaliste ; c’est une simple citoyenne éclairée — c’est comme ça qu’elle se positionne. Ensuite, sa méthodologie est un poil tirée par les cheveux mais tient la route. Enfin le rendu (où son monsieur, développeur, a visiblement mis les mains) est simple et séduisant.

Au-delà de la cartographie interactive classique, nous avons particulièrement apprécié le travail de mise en relation du sentiment régurgité par Google Suggest par rapport à la réalité que Renee est allée chercher sur les silos de données publiques US. Le premier qui prend le temps de faire la même chose avec les départements français a gagné le droit d’être en vedette d’un des prochains épisodes des Data en forme.


Tu avances tu recules comment veux-tu que je cumule

Une fois n’est pas coutume, nos camarades du Monde ont mis les bouchées doubles pour générer une chouette dataviz politique. Autant mettre au carré d’emblée : le bouzin n’est pas des plus clairs. Circonstances atténuantes, les données à mettre en valeur sont nombreuses et complexes, et le rendu est joli — ce qui n’était pas évident de prime abord. Ambitieux, le projet “Le cumul des mandats des parlementaires socialistes” veut donc identifier en un clin d’œil la proportion des députés et sénateurs PS cumulant d’autres fonctions électives (dans les mairies, les conseils régionaux, les intercommunalités).

Pour mettre un peu de lumière : à gauche, les 425 députés et sénateurs — on peut décocher l’un des deux en haut pour n’afficher que l’autre — fractionnés en quatre groupes (de 0 à 3 mandats en sus). Sur les 425 députés et sénateurs, 201 ont un mandat supplémentaire. On se fait une idée de la répartition des 201 en se dirigeant vers la droite et en mettant en surbrillance la colonne centrale dans sa partie rose : sur les 201 députés et sénateurs, beaucoup sont aussi maires, d’autres (moins) sont adjoints, etc. Une idée générale du volume “s’illumine” sur la droite de l’écran. Ou encore, de retour à gauche, 81 élus PS ont deux mandats en sus de leur mandat principal — soit (81 x 2) 162 postes répartis… selon une proportion, ici encore, dont on sera seuls juges. Et il en va de même pour les 19 députés et sénateurs qui occupent (19 x 3) 57 postes car cumulent trois mandats supplémentaires.

C’est d’ailleurs là que la frustration est la plus grande : il manque les chiffres exacts, on n’a donc qu’une idée vague de la répartition des élus selon les fonctions locales qu’ils occupent. Tout est question de proportion et de coup d’œil.

BANG BANG BANG

On terminera avec la baffe de l’été. Celle infligée par ce petit nouveau de la dataviz nommé… Google. Le projet “Arms Trade” s’inscrit en effet dans celui, plus ambitieux, de Google Ideas [en] — qui veut “se joindre à la lutte contre les cartels de la drogue et autres réseaux illicites” en pariant que la technologie peut participer efficacement à cette lutte. Pavé dans la data-mare, Arms Trade décrit sur une mappemonde éblouissante le commerce des armes de poings (civiles et militaires) et de leurs munitions pour chaque pays du monde (import et export), à travers les vingts dernières années – données fournies par le Peace Research Institute d’Oslo. Un bon gros joujou en JavaScript qui — s’il n’en était le sujet, si sérieux — fait passablement… rêver tout metteur-en-scène de données.


Bonne data-semaine à tous !


Tous les épisodes précédents des Data en forme.
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Un pirate à l’abordage du PS parisien http://owni.fr/2012/04/18/un-pirate-a-labordage-du-ps-parisien/ http://owni.fr/2012/04/18/un-pirate-a-labordage-du-ps-parisien/#comments Wed, 18 Apr 2012 14:36:28 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=106443 ème arrondissement. Enjeu : sa salle de spectacle le Lavoir moderne parisien. Nouvelle arme : une candidature aux législatives sous l'étiquette du Parti Pirate. ]]>

Gogol 1er, artiste et mentor, et Hervé Breuil (à droite) avant la conférence de presse au Lavoir Moderne à Paris XVIII, mercredi 18 avril 2012 - (cc) O. Noor/owni

Partir à l’abordage du fief socialiste du XVIIIème arrondissement de Paris, fief du maire Bertrand Delanoë, de Daniel Vaillant et de Lionel Jospin : telle est l’ambition d’Hervé Breuil, figure de la culture du quartier populaire de la Goutte d’Or. Sa stratégie : se présenter comme candidat du Parti Pirate aux législatives de juin prochain, dans la 19ème circonscription. Il l’a annoncé ce mercredi lors de la conférence de presse du Parti Pirate (PP), qui présentait ses candidats aux élections.

Le Parti pirate français sous pression

Le Parti pirate français sous pression

Ce mercredi, le Parti Pirate français a présenté ses candidats aux législatives de juin. Les attentes sont grandes pour ...

Cette candidature est une nouvelle bataille dans la guerre qui l’oppose à nos éléphants roses. Il les accuse de vouloir rayer de la carte un lieu emblématique de la culture populaire authentique. Depuis un quart de siècle, Hervé Breuil s’est effectivement fait une réputation à la tête du Lavoir moderne parisien, une salle de spectacle qu’il a créée dans le lavoir dont s’inspira Zola pour L’Assommoir, rue Léon.

Son credo, la création artistique et le multiculturalisme, qu’il s’est efforcé de promouvoir dans le quartier. Une sorte d’anti-104, ce centre culturel créé artificiellement au milieu d’un quartier populaire par la volonté de la Mairie de Paris, qui n’a jamais pris racine. Car les gros sous ne sont pas la garantie d’une implantation réussie. A contrario, Le Lavoir moderne parisien a un budget nettement plus modeste que le 104, des dettes, 48 000 euros, mais il peut être fier de son bilan. Même Le Figaro le soutient avec force, c’est dire.

Le Lavoir moderne, 35 rue léon, Paris XVIII - (cc) O. Noor/owni

Grève de la faim, lettre ouverte au maire de Paris, mobilisation d’artistes, démission de son poste de directeur, Hervé Breuil a multiplié les actions pour se faire entendre. La dernière en date : hisser les couleurs du Parti Pirate, au propre comme au figuré. Un choix logique :

C’est naturel par rapport à mes convictions. Le Parti pirate défend la liberté culturelle, la transparence. Je pratique la démocratie culturelle, ils prônent la démocratie ouverte. J’aime ce rapport ouvert, dans le sens de la mondialisation. Je sens aussi la rupture, entre l’ancienne génération et la nouvelle, qui a grandi avec Internet, et le Parti Pirate dépasse les clivages gauche-droite, il se place dans une logique avant-après. Ils sont en train de renverser la politique.

Symboliquement, le Parti Pirate a choisi de faire sa conférence de presse au LMP, “un haut lieu de la culture libre”, et lui a laissé le micro en introduction pour qu’il rappelle la situation.

Numérique

Le Parti pirate est issu de la culture numérique, un candidat comme Hervé Breuil peut sembler atypique, avec ses allures de titi parisien. En dehors du couplet sur les-jeunes-qui-baignent-dans-le-numérique, le néo-candidat pirate fréquente Internet depuis quinze ans. Il a exploré depuis les années 80 et de ce qu’on appelait alors le multimédia. Il se souvient :

Cela fait longtemps que je réfléchis à l’apport d’Internet, je me suis connectée pour la première fois en 1995. Je militais pour Altern.org J’ai fait partie des 45 000 abonnés qui ont été coupés à leur fermeture. Et dès les années 1980, nous avons organisé des expériences multimédias, il y a eu douze performances de 1986 à 1995.

Entrée en résistance

Côté stratégie, pas de flyers, de meeting, d’affichage : il laisse ça aux “vieux renards qui ne pensent qu’à garder leur place”. Idéalement, Hervé voudrait opter pour la tactique du silence, de même qu’il s’est efforcé en tant que directeur d’accompagner les artistes, de leur “offrir une qualité de silence”.

Drapeau du Parti Pirate sur les vitres du Lavoir Moderne - (cc) O. Noor/owni

Mais ce n’est pas en se taisant qu’on atteint l’objectif ambitieux qu’il s’est fixé : 6% des voix (pour mémoire, le score maximal du Parti Pirate aux législatives est de 2,08 %). Il évoque la mise en place d’“un système de résistance”, qui cherchera à mettre en avant les idées et pas la personne. Toutefois, c’est bien sa personnalité au background d’artiste qui donne le ton :

On va installer un mini-camping de survie, une cantine, une web TV en direct avec des actions tous les jours, le Lavoir moderne parisien sera le premier “lieu pirate” ouvert à Paris. On avance dans la provocation, la surprise, la performance, le décalé. On veut des formes neuves, pour ringardiser les pratiques actuelles.

Expérience

Pour être sincèrement usé par son combat, Hervé Breuil n’en est pas moins un communicant efficace, dont ferait bien de s’inspirer le bégayant Parti Pirate français. Faire bénéficier ses cadets de son expérience en matière de politique fait partie de ses projets.

Hervé Breuil avant la conférence de presse au Lavoir Moderne à Paris XVIII, mercredi 18 avril 2012 - (cc) O. Noor/owni

Et on se dit qu’avec de tels profils, le Parti pirate arriverait peut-être à décoller, à l’image de ses frères allemands ou suédois. Malgré le sempiternel argument du système électoral français qui ne favorise pas les petits partis. Lui voit loin, rêve d’une triangulaire dans sa circonscription, pense déjà aux régionales, aux municipales et aux européennes. Mais garde un flou artistique sur la façon de gagner :

“Il ne faut pas opter pour la stratégie de la visibilité car c’est la porte ouverte à la récupération.”


Photographies par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Hollande entreprend la culture http://owni.fr/2012/03/02/culture-hollandaise/ http://owni.fr/2012/03/02/culture-hollandaise/#comments Fri, 02 Mar 2012 09:22:17 +0000 Andréa Fradin et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=100394 Le Monde, le candidat socialiste affirme sa proximité avec les grands entrepreneurs culturels. Et enterre toute possibilité de licence globale. Surtout, selon nos informations, cette tribune reprend des recommandations des différents lobbys de la culture.]]>

The battle for copyright (La bataille du copyright) par Christopher Dombres (cc)

François Hollande veut rassurer les auteurs. Et leurs représentants. C’est tout le sens d’une tribune publiée ce jour dans Le Monde, selon nos informations, confirmées par la direction de campagne. Avec ce message en antienne :

La gauche a toujours soutenu la création artistique et les créateurs.

Problème mineur

Si le candidat socialiste rappelle ces “principes essentiels”, c’est pour, indique-t-il, “aborder la question de la loi Hadopi qui fait débat.” A ce titre, le projet de tribune est sans ambiguïté : l’objectif est affiché dès les premières lignes. Et il consiste moins à définir le mécanisme de protection des droits d’auteurs que défend François Hollande, qui arrive bien plus tard dans le texte, qu’à assurer la communauté de la production culturelle des bonnes intentions du PS. A la manière d’un Nicolas Sarkozy à la tribune de l’e-G8, le candidat socialiste se place “dans la lignée de Beaumarchais”. Un cap, une “philosophie” qui, garantit-il, “ne changera pas” car :

La gauche soutient le droit des auteurs, tant moral que patrimonial, aujourd’hui comme hier.

L’apéritif terminé, François Hollande rentre dans le dur. Et affirme :“Je soutiendrai tous les dispositifs qui nous permettent de défendre notre culture, mais aussi notre économie : soutien à la production et à la création, gestion collective des droits, adaptation et protection de la chronologie des médias, lutte contre les contrefaçons, rémunération pour copie privée, défense des plateformes numériques innovantes.”

Et entame la partie indigeste : Hadopi. En gros, rien de nouveau : Hadopi a coûté cher, n’a pas contribué au financement de la création, soulève des questions en termes de protection de la vie privée ; critiques déjà formulées lors de sa première sortie sur le sujet en tant que candidat officiel du PS à la présidentielle, à Nantes, en janvier dernier. Le détail en revanche, est plus intéressant. Ainsi François Hollande avance qu’il “ne pense pas que la seule répression soit la réponse au problème posé.”. Ajoute que s’il ne faut pas “opposer [...] les créateurs et leur public”, “la protection des auteurs est également prioritaire”. Articulant les deux morceaux d’un “mais que les choses soient bien claires” bien senti. Et lâche un fatidique :

nous ne considérons pas le piratage comme un problème mineur. Nous soutiendrons et rendrons plus efficaces les actions judiciaires visant à tarir à la source la diffusion illégale des oeuvres protégées.

Enterrant ainsi définitivement toute éventualité de dépénalisation du téléchargement illégal. Car si la phrase vise d’abord les sites de streaming illégaux, rien n’interdit qu’elle inclue également les échanges peer-to-peer non marchands. Dont la légalisation avait été un temps envisagée, et même présentée comme un élément du programme de François Hollande par son équipe en charge de la culture, qui a depuis fait machine arrière.

Le 25 janvier dernier, Didier Mathus affirmait dans Le Nouvel Obs que “tous les dispositifs de répression de l’Hadopi [seraient] abandonnés” et que François Hollande opterait pour une licence globale en lieu et place d’Hadopi. Problème : aucun de ses points n’apparaît dans le programme paru dès le lendemain. Pire, son point 45, consacré à l’Hadopi, est par la suite modifié sous l’impulsion de la direction de campagne. “La genèse est simple : la proposition, rédigée tôt, ne collait pas avec le discours d’Hollande”, justifie une responsable à OWNI.

Hadopi en sursis

Hadopi en sursis

À la faveur de l'affaire Megaupload, l'opposition entre droits d'auteur et Internet s'est installée au nombre des sujets de ...

Visiblement, le mot “usagers” posait problème. “L’article 45 a été réécrit car le mot ‘usagers’ a pu prêter à confusion : les gens comprenaient ‘internaute’ a récemment expliqué Fleur Pellerin, responsable numérique de François Hollande, à Libération. Or un ‘usager’, c’est celui qui utilise, et en l’occurrence qui utilise les plateformes légales. Donc l’idée n’était pas du tout de dire que l’internaute va être mis à contribution ; c’était de dire que les usagers vont participer au financement de la création via les plateformes légales sur lesquels ils vont payer des œuvres ou des abonnements, ou via des plateformes gratuites financées par la publicité.”

En clair : ceci est tout sauf dela licence globale, ce mécanisme consistant d’une part à autoriser les échanges non marchands et d’autre part à financer les auteurs via un mécanisme similaire à la redevance. Un mécanisme décrié et vertement rejeté par les tenants de l’industrie culturelle. Qui ont bien fait leur boulot.

L’étrange note de Monsieur Jack

La pression des ayants-droit sur les équipes du candidat PS a pris plusieurs chemins. Une note lui a ainsi été directement envoyée par le cabinet de Jack Lang à l’Assemblée nationale. L’occasion pour l’ancien ministre de la Culture, toujours enclin à défendre ce milieu, de faire savoir son opposition frontale à toute forme de licence globale. Opposition que François Hollande semble aujourd’hui partager. Au moment de son ralliement au candidat pendant la primaire, Jack Lang avait d’ailleurs souligné la proximité de leur position respective sur Hadopi.

Les métadonnées de cette étrange note indiquent qu’elle a été rédigée par Jean Cazès, producteur de films et membre du Club européen des producteurs, un lobby de l’industrie cinématographique. Véritable charge, cette “Note à l’attention de François Hollande sur Hadopi et la licence globale” démarre sur les chapeaux de roue :

La licence globale n’est pas une solution appropriée à la piraterie des œuvres musicales, audiovisuelles, cinématographiques, et bientôt des livres.

La suite est à l’avenant. Après avoir comparé la légalisation des échanges non-commerciaux de contenus audiovisuels au fait de “donner un accès libre et gratuit aux boulangeries, ou aux fast-foods”, l’auteur rappelle l’incompatibilité de la licence globale “avec les traités internationaux dont la France est signataire, en matière de droit d’auteur”. Traités qui empêcheraient la mise en oeuvre de cette alternative à côté de laquelle “rien ne pousse, rien ne peut exister”, à tel point qu’elle provoquerait “la mort assurée de la télévision payante et du téléchargement légal”. Rien que ça.

En conclusion, il est conseillé au candidat socialiste de faire évoluer l’Hadopi, “dont l’efficacité est limitée, même si sa valeur symbolique est importante”, en affirmant “que la solution ne saurait être une licence globale”, comparée pour enfoncer le clou une dernière fois à “un danger mortel”.

Les lobbyistes à la manœuvre

Les préconisations transmises par Jack Lang à François Hollande ne déplairaient sans doute pas à Pascal Rogard, omniprésent directeur général de la puissante Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), fondée en 1777 par… Beaumarchais. “Jack Lang pense comme moi”, nous assure-t-il, avant de préciser que dans le cadre d’une présidentielle, il est normal pour une institution qui défend les droits des auteurs de rencontrer les candidats. Un lobbying assumé et détendu, pour faire pendant à ce qu’il qualifie “d’hystérie anti droit d’auteur”. Cette mission peut se mener au grand jour, comme lorsque la SACD fait parvenir une lettre à François Hollande, qui lui répond dans la foulée [PDF]. Ou lorsqu’avec la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) elle lance un site Internet visant à promouvoir ses propositions.

Mais comme souvent, le plus intéressant se trame dans l’ombre. La révision du point 45 semble être issue de ce type de lobbying feutré. Court-circuitant Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin, les représentants des ayants droit sont allés directement frapper à la porte du directeur de campagne. Pierre Moscovici aurait entendu les arguments d’un Pascal Rogard, selon lequel “quand on autorise quelque chose en matière d’Internet, on ne s’arrête pas aux frontières de la France”. Avant même d’avoir pu émerger, le débat sur la possibilité d’une forme de licence globale ou de contribution créative est enterré.

Les représentants du disque, du cinéma et du livre ne sont pas en reste dans cette lutte d’influence auprès du candidat socialiste. Dans un article récent, Libération évoquait le lobbying actif de Florence Gastaud, déléguée générale de la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP). Plusieurs personnalité du monde de la culture ont également leur relais auprès du candidat. On se souvient de la “lettre des cinéastes” à François Hollande publiée à l’initiative du réalisateur Bertrand Tavernier.

Ces multiples tractations aboutissent donc aujourd’hui à une clarification du candidat socialiste sur la question du droit d’auteur à l’ère numérique. Rejetant toute reconnaissance des échanges non marchands, François Hollande compte mettre en place le fameux “Acte 2 de l’exception culturelle française” en mettant tous les acteurs autour d’une table. Gageons que lobbyistes des industries culturelles et défenseurs des ayants droit sauront s’y faire une place, tant en France qu’au cours d’hypothétiques “Assises européennes des industries culturelles sur Internet”, que le candidat appelle également de ses vœux.


Illustration par Christopher Dombres (CC-BY)

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François Hollande en haut débit http://owni.fr/2012/01/16/francois-hollande-en-haut-debit/ http://owni.fr/2012/01/16/francois-hollande-en-haut-debit/#comments Mon, 16 Jan 2012 08:38:24 +0000 Andréa Fradin et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=94001

100 jours. Il leur reste à peine 100 jours pour établir une stratégie de campagne sur Internet. Et la mettre en œuvre. Au tout nouveau QG de François Hollande, c’est l’effervescence. Lundi 2 janvier, les équipes de campagne du candidat socialiste ont pris possession de leurs nouveaux locaux de 1000 m2. Situé dans le cossu 7ème arrondissement de Paris, l’immeuble hébergeait auparavant le Haut commissariat aux solidarités actives de Martin Hirsch.

Une trentaine de personne a pris possession du 4ème étage. L’équipe “web campagne” sort des cartons.

Trente personnes sur le web

Cornaquée par Vincent Feltesse, le “monsieur web” historique de François Hollande, elle sera l’une des plus importantes de la course à la présidentielle. La communication sur Internet a pris de l’importance, et représente près de 10 % du budget total.

C’est l’ancienne directrice de la Cantine, lieu trendy des technophiles parisiens, Marie-Vorgan Le Barzic, qui sera en charge de coordonner l’opérationnel sur les réseaux. Récemment recrutée par Vincent Feltesse, elle bénéficie d’un solide carnet d’adresse dans le secteur. Résultat : les compétences dont elle s’est entourée proviennent principalement de l’extérieur du parti. Son bras droit à la Cantine, Antonin Torikian, a été débauché de Microsoft pour l’épauler au cours de ces quelques mois.

Le directeur financier, David Clavereau, est un ancien de la Netscouade, agence de communication web proche du PS et fondée par Benoît Thieulin au lendemain de la présidentielle 2007. Lionel Bordeaux, rédacteur en chef, était responsable du “département Paris numérique” à la mairie de Paris. Et Robin King, directeur artistique, a oeuvré tant pour le site Paris.fr que pour la première version de Rue89. A leurs côtés, on retrouve également les lieutenants numériques de François Hollande : Ariane Vincent, en charge notamment du compte Twitter du candidat et Romain Pigenel. Ce dernier, adjoint de Julien Dray à la région Île-de-France et blogueur sur Variae, travaille aux côtés d’un habitué de la blogosphère politique, Slovar, qui sévit aussi sur Marianne2.

Une équipe éclectique, jeune, structurée en différents pôles (veille, mobilisation, développement, contenus, graphisme), et qui tente de mettre en avant certaines valeurs. En recrutant le représentant français d’OpenStreetMap, Gaël Musquet, militant des sources ouvertes, l’équipe fait le choix d’abandonner Google au profit d’un projet libre pour ses différentes cartographies.

Son objectif principal sera de mobiliser les militants, mais pas uniquement. Pour Marie-Vorgan Le Barzic, il s’agit de “ toucher le plus d’individus possible”. Pour y parvenir, l’équipe s’attelle à la refonte totale de toushollande.fr, qui, depuis la primaire, se veut l’outil de mobilisation des soutiens du candidat socialiste.

En 2012 Internet vire à droite

En 2012 Internet vire à droite

La cote d'Internet grimpe pour 2012. Face à un PS à la ramasse, l'UMP tente de s'approprier la thématique, aux commandes ...

Si “au 59”, on fait valoir la proximité géographique du siège du candidat avec celui du parti (rue Solférino, à dix minutes à pied), les relations entre les deux ne sont pas au beau fixe. Ainsi, l’intégration de l’équipe web de Solférino à celle du candidat n’est pas à l’ordre du jour. Répondre aux argumentaires de l’UMP en continuant à produire du contenu, comme les vidéos récemment mises en ligne, telles sont les missions dont elle sera chargée. Autrement dit, elle restera “à la périphérie”, comme nous l’explique un proche de l’équipe d’Hollande. La Coopol, réseau social construit pour les adhérents, et qui sert d’outil d’organisation aux secrétaires de section, sera néanmoins mobilisé.

Côté Hollande, les relations avec le reste de l’équipe de campagne restent aussi à définir. Mais pour mettre les choses en œuvre, seule la validation de Vincent Feltesse est nécessaire, ce qui pourrait faciliter le travail. Symbole d’une volonté de peser sur le dispositif, l’équipe web a investi une petite pièce à l’entrée du QG, qu’elle entend aménager pour en faire un lieu de discussion autour des enjeux du numérique : une sorte de “Cantine socialiste”. La directrice opérationnelle souhaite “rendre le web intelligible”, y compris en interne, où la question numérique n’a pas encore été saisie par tous.

Le “Camp” du changement, c’est maintenant

En dehors du QG, le modèle de la Cantine joue aussi à plein. Ce lieu de travail collaboratif organise des formes de rencontres particulières, dont l’équipe web s’inspire. Ce lundi, le QG de campagne accueille ainsi son premier “Camp”, un “atelier ouvert”, au cours duquel “bloggeurs, entrepreneurs, développeurs, designers ou activistes” pourront “penser et développer les outils numériques”. Ce “Camp” sera suivi d’un “hackaton”, au cours duquel les équipes proposeront applications, idées et services web qui pourront nourrir la campagne. Un signal fort envoyé aux “geeks”. Les équipes de FaberNovel, dont le patron Stéphane Distinguin, cofondateur de la Cantine et réputé proche de François Hollande, devraient logiquement y participer.

L’Internet socialiste

L’Internet socialiste

Nommée récemment responsable du pôle numérique de François Hollande, Fleur Pellerin connaît une arrivée agitée dans ...

Cet évènement web friendly est une première, puisque le candidat s’est jusqu’alors refusé de se saisir de la thématique. Sur le fond, en revanche, le flou reste de mise. D’abord prévu mi décembre, puis début janvier, le programme numérique tarde à venir. Fleur Pellerin, en charge du pôle “Société et économie numérique”, continue de se faire discrète. Si on évoque sa présence à l’évènement d’aujourd’hui, son implication dans la web-campagne devrait rester limitée, nous indique les équipes.

La stratégie tranche avec les choix de l’UMP, qui mise à la fois sur une équipe interne et sur un unique prestataire, l’agence Emakina. La différence se joue également dans le timing. Si, dans les rangs de l’UMP, on s’affaire depuis l’été à la refonte des outils de campagne, l’équipe web de François Hollande s’organise à peine. Et devra composer avec le peu de temps qu’il reste.

“Ce qui fait la différence, c’est le professionnalisme et l’ouverture”, nous confie Marie-Vorgan Le Barzic. Reste moins de 100 jours pour les mettre en oeuvre.


En vente le 16 janvier, chez Owni Editions, Partis en ligne une enquête signée Andréa Fradin et Guillaume Ledit sur la campagne numérique de l’UMP et du PS.


Photo via Flickr par Tontoncopt [CC-byncsa]

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L’Internet socialiste http://owni.fr/2011/12/02/fleur-pellerin-internet-hollande-presidentielle-2012-hadopi/ http://owni.fr/2011/12/02/fleur-pellerin-internet-hollande-presidentielle-2012-hadopi/#comments Fri, 02 Dec 2011 11:09:07 +0000 Andréa Fradin et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=88705

C’est à deux pas de la Cour des Comptes, où elle sévit encore, que Fleur Pellerin nous a donné rendez-vous. A 38 ans, la jeune femme vient d’être nommée responsable du pôle “Économie numérique” dans l’équipe de campagne de François Hollande, tout juste constituée. “Il était important pour moi d’y ajouter ’société’, car le numérique n’est pas une branche de l’industrie comme l’agroalimentaire”, précise-t-elle d’emblée.

Sa prise de fonction a fait l’effet d’un micro séisme dans le landernau numérique : inconnue au bataillon Internet, Fleur Pellerin s’est surtout illustrée par l’excellence de son parcours – bac à 16 ans, Sciences Po, ENA – et un passage à la tête du club XXIème siècle, réseau promouvant la diversité. Un “pur produit de la méritocratie française”, plus proche des questions d’égalité des chances ou de fiscalité que des réflexions réticulaires, dont on ne trouve d’ailleurs nulle trace dans le portrait tiré par Libération en avril 2010. Au Parti Socialiste, elle totalise déjà trois campagnes présidentielles. Celle du candidat Hollande inaugure la mise en lumière de cette ancienne conseillère de l’ombre, qui n’est pas du sérail. Une affiliation informelle – elle n’est plus encartée – qui explique son allant et son franc-parler.

Parachutée dans les landes numériques, la jeune femme se donne jusqu’au 15 décembre pour proposer la première version de son programme. A retravailler jusqu’en début d’année. Plus qu’un chantier, un travail de dentellier. A réaliser dare-dare. La néophyte le reconnaît. Comprendre les enjeux, s’acclimater à un milieu sévère, qui s’étonne de voir débarquer une novice à l’approche d’une échéance telle que la présidentielle. L’ampleur de la tâche : c’est ce qui fait courir Fleur Pellerin sur les autoroutes de l’information. Un voyage qui s’annonce turbulent.

Hadopi tabou

En interne, la constitution de l’équipe de campagne n’a pas réglé les bisbilles entre cadres du parti et rivaux d’hier. Si officiellement le rassemblement derrière François Hollande est unanime, la fusion des troupes pose toujours problème. En coulisse, on murmure que “c’est le bordel”. Y compris sur le numérique. Sans confirmer, Fleur Pellerin déclare n’avoir que peu de relations avec Solférino. Si elle affirme qu’elle puisera dans “les travaux du Laboratoire des idées avant de proposer au candidat les axes de son programme numérique”, elle déclarait il y a quelques jours que son programme ne serait pas celui du Parti Socialiste [PDF].

Une indépendance qui visiblement, ne passe pas. En particulier sur le point chaud de la campagne numérique, l’éternel maëlstrom Hadopi. A la suite de notre entretien réalisé dans la matinée du 28 novembre, Fleur Pellerin nous a demandé de retirer toute citation concernant le sort de la Haute autorité. Motif : il ne s’agit que de pistes de travail, et seul François Hollande pourra arbitrer sur la question. Dans une première interview, publiée le 29 novembre, la jeune femme exprimait clairement sa volonté d’abroger l’institution, pour la remplacer par une autre, débarassée du sceau symbolique “Hadopi”. Vertement critiquée par certains observateurs, la position de Fleur Pellerin n’a manifestement pas plu en interne. D’ici le 15 décembre donc, motus et bouche cousue. Sur cet unique point : pour la neutralité, la fiscalité du secteur, l’e-education, l’e-santé, la critique du bilan de cinq ans de sarkozysme, les vannes sont en revanche ouvertes. Il ne s’agit pourtant que d’ébauches de réflexions, qui appelleront, là aussi, une validation du candidat socialiste.

L’Hadopi fait peur. Bête noire de l’UMP comme du PS, elle est le signe de la soumission des partis au bras de fer, féroce, que se livre lobbyistes de la Culture et du numérique pour avoir voix au chapitre 2012. Au lieu de lancer un chantier public, évolutif, entier, l’opposition fait le choix de se murer dans un silence qui ne saurait prévenir des bourdes. Les rétropédalages font tache : celui-ci en est un ; il rappelle les tergiversations maladroites de François Hollande sur ce même point, il y a quelques semaines à peine. Confirmant ainsi que c’est bien le “bordel”.

Côté moyens, la responsable de pôle ne dispose par ailleurs d’aucune ressource. “J’assume ne pas avoir de moyens, j’assume le modèle start-up, le côté artisanal.” D’où l’appel à contributions lancé sur Rue 89 il y a quelques jours : pour l’occasion, pas de plate-forme participative, pas de site, mais une adresse mail : numerique2012@gmail.com. Une initiative qui a fait les gorges chaudes de quelques trublions, notamment sur Twitter.

Ils m’attaquent parce qu’ils s’imaginent que je ne connais pas les codes, mais en 1998, je fréquentais des forums d’opéra US, et les trolls étaient déjà là ! Ils trollaient sur … du Wagner. Les codes étaient identiques.

Quant à l’appel à contributions, elle se félicite “d’avoir déjà obtenu une centaine de mails. Un wiki aurait été un défouloir”, poursuit-elle, “on aurait passé plus de temps à modérer”. Une semaine après l’ouverture de la consultation, elle nous confie avoir “reçu 500 pages de contributions très riches et constructives. Nous allons faire réagir les internautes sur une première synthèse très prochainement”.

“A l’encontre du tout-répressif de Sarko”

Rentrant dans le vif du sujet, Fleur Pellerin expose méthodiquement ses priorités :  “définir un programme de travail et constituer une équipe, afin d’avoir une position argumentée sur un certain nombre de projets urgents”. Son pôle a été décliné en cinq axes : “infrastructures et aménagement du territoire”, “innovation et e-business”, “droits et libertés sur Internet” – dans lequel se range Hadopi, dont nous ne parlerons donc pas -, “développement des services et contenus” et “fiscalité numérique”. “Oui, c’est assez vaste !” conclue-t-elle dans un sourire.

Sur l’économie de l’innovation, elle déplore un “retard” français : “il y a une marge de progrès”, estime la jeune femme. Pour la combler, Fleur Pellerin assure que les réflexions seront menées en fonction du contexte budgétaire contraint.

Concernant la fiscalité des jeunes entreprises innovantes (JEI) ou du commerce en ligne, elle explique que les incitations devront se faire selon “différents scénarios en fonction de l’état dans lequel la droite laissera les finances publiques en mai 2012, et surtout assurer aux entreprises un environnement juridique stable”. “Durant les 100 premiers jours, on devra être réaliste”, concède-t-elle, avant d’ironiser “je suis à la Cour des Comptes, la contrainte budgétaire, je l’ai intégrée !”

Les promesses seront chiffrées et envisageables : “on essaiera de se placer dans la faisabilité financière et juridique.” Une rigueur en grille de lecture des affaires en cours : elle commente la taxe Google, serpent de mer gouvernemental qui cherche à imposer les revenus publicitaires engrangés en France par les géants du web :“Pas contre sur le principe, mais à condition que le dispositif ne se retourne pas in fine contre les seules entreprises françaises ”. “Contrairement à Sarkozy, qui vient encore de le faire avec l’annonce de la création du centre national de la musique, nous ne proposerons pas de mesures sans nous être assurés de leur faisabilité financière et juridique”.

Si elle n’est pas identifiée comme référence dans le milieu, Fleur Pellerin met en avant des réseaux solides autour du numérique. “Je couvre toute la palette : média, opérateurs, think tanks, fédérations et syndicats professionnels, lobbyistes, haut-fonctionnaires” , assure-t-elle. Des connaissances déjà mobilisées à titre bénévole et amical. Le travail est informel : la première réunion s’est tenue chez elle ; même son mari, fiscaliste au Conseil d’Etat, a été mis à contribution. Dans ses cercles, des membres de l’Arcep et de la Caisse des dépôts, “catastrophés par la gestion du très haut débit” ; des entrepreneurs comme Jean-Baptiste Soufron, Nicolas Gaume, président du Syndicat National du jeu vidéo ou Benoît Thieulin ; certains acteurs du monde de la Culture, SPRD et ministère, ou encore Daniel Kaplan, soutien de Martine Aubry pendant la primaire et délégué général de la Fondation pour l’Internet Nouvelle Génération (FING).

On lui demande ce qui différencie son programme de celui de l’UMP. Elle réagit vivement, et critique le bilan de la majorité : “c’est bien joli de montrer ce programme, de dire ‘le meilleur reste à venir’ si rien n’a été fait en 5 ans !” Et déroule sur Nicolas Sarkozy : “il ne s’adresse qu’à des clientèles. Tout le monde y croit mais il n’y a rien derrière”. Sur sa dernière sortie à Avignon, durant laquelle il avait proposé l’établissement d’une “Hadopi 3” pour lutter contre le streaming, elle ironise : “comment on fait ? On met des mouchards chez les gens ? On ferme YouTube ? Sa position est ultra sécuritaire et après ses lieutenants parlent de neutralité des réseaux, ça me fait rire !” Et de conclure : “oui, je suis très énervée !”

On veut aller à l’encontre du tout-répressif de Sarko .

Le principe fait consensus en interne, mais pas sûr que les cadres du parti et de la campagne la suivent sur “les modalités concrètes” . Si à Solférino “tout le monde a pris conscience qu’Internet représentait un levier de croissance et une modification radicale de la société” , “il y a encore de ‘vieux logiciels’ qui traînent au PS” . Et les attentes de la communauté se font pressantes: il ne suffit pas de critiquer le bilan du camp d’en face ; des mesures cadres sont à définir. Or, des arbitrages, pas forcément favorables, seront pris par la direction de campagne. Fleur Pellerin en a conscience, se dit “loyale” , et profite pour le moment de sa “liberté dans la réflexion” . Une autonomie synonyme de “faiblesse” : “cela veut aussi dire que je ne suis pas forcément très soutenue”. Le recadrage de dernière minute, sur Hadopi, est venu le confirmer.


En vente en décembre le livre électronique “e-2012″, chez Owni Editions, une enquête signée Andréa Fradin et Guillaume Ledit sur la campagne numérique de l’UMP et du PS.


Via Flickr : Fame Foundry [cc-bysa] et Geoffrey Dorne [cc-byncsa]

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Le MOX revient à la réalité http://owni.fr/2011/11/21/le-mox-revient-a-la-realite-edf-blayais/ http://owni.fr/2011/11/21/le-mox-revient-a-la-realite-edf-blayais/#comments Mon, 21 Nov 2011 07:31:49 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=87403

Pendant que le Parti socialiste et Europe Écologie-Les Verts s’écharpaient à propos d’un paragraphe de leur accord se référant au MOX, le groupe EDF, lui, intensifiait son lobbying pour alimenter avec ce fameux MOX (le plus radioactif des combustibles nucléaires) deux réacteurs de la centrale du Blayais, près de Bordeaux.

Une enquête publique [PDF], démarrée lundi 14 novembre, permet aux habitants et acteurs locaux de poser des questions à l’un des trois commissaires enquêteurs désignés – dont un ingénieur retraité d’EDF – pour effectuer des permanences d’information au public, comme nous avons pu le constater sur place.

Le MOX est une spécialité française : combustible de deuxième génération, composé d’un mélange de plutonium (7%) et d’uranium (93%) et fabriqué à Marcoule par Melox (une entreprise du groupe Areva), il est élaboré à partir des matières recyclées à l’usine de retraitement de La Hague. Des experts sollicités par Greenpeace soulignait dès 2001 l’extrême dangerosité de ce mélange, présent en nombre dans les réacteurs de Fukushima.

À la centrale du Blayais, pour permettre l’arrivée de ce MOX dans deux nouveaux réacteurs, EDF presse les autorités de modifier le décret autorisant l’installation nucléaire locale. En prenant acte, notamment, que les deux premiers réacteurs du Blayais fonctionnent déjà au MOX depuis 1994 et 1997.

Dossier imprécis

Cependant, un avis de l’Autorité environnementale du Ministère de l’écologie et du développement durable (AE), datant de juillet dernier, pointe un certain nombre de défaillances dans le dossier remis par EDF et disponible sur le site du groupe. Michel Badre, président de l’Autorité environnementale nous précise :

Nos avis sont obligatoirement sollicités par les maîtres d’ouvrage, dès qu’il y a étude d’impact et enquête publique. Ils n’ont pas de valeur contraignante, mais doivent être joints au dossier d’enquête publique, et publiés sur site internet (le nôtre, et celui de l’autorité qui instruit le dossier). Tout le monde peut donc y avoir accès, et les utiliser en cas de recours.

Saisie par la Direction générale de prévention des risques du ministère de l’Écologie et du Développement durable, l’Autorité environnementale a rédigé son avis délibéré le 20 juillet. 26 pages techniques et critiques. Au départ, le texte concernait l’évaluation environnementale du dossier de demande de modification du décret.

Mais très vite, la question seule de l’emploi du MOX s’est imposée sur les autres : la centrale prélevant et rejetant son eau dans l’estuaire de la Gironde, lui même site protégé – classé site Natura 2000 pour la préservation des espèces. L’étude d’impact sur l’introduction du MOX dans les réacteurs 3 et 4 de la centrale s’est transformée en une mise à jour de celle de la fin des années 70 :

Dans les faits elle se présente comme une actualisation, pour l’ensemble du site du Blayais, de l’étude d’impact de la fin des années 1970. Il faut par ailleurs garder en mémoire qu’une telle actualisation était considérée comme opportune par de nombreux partenaires concernés par les impacts du CNPE [Centre nucléaire de production d'électricité, NDLR]

Le rapport met surtout en évidence des manquements d’EDF dans les dossiers de présentation. Et pointe du doigt les enjeux sur la santé, l’environnement  et « la prévention des risques accidentels ».

Dans les faits, EDF souhaite introduire le MOX pour des motifs de rentabilité. Or l’avis de l’Autorité environnementale souligne l’absence de bilan de l’entreprise sur sa stratégie environnementale. Et son silence sur l’impact de ses activités :

La justification du choix de « moxer » les réacteurs 3 et 4 du Blayais en un peu plus de trois pages ne peut cependant pas être considérée comme satisfaisante. [...] Aucun développement n’est proposé sur cette nouvelle filière technologique et sur ses perspectives opérationnelles raisonnables à échéance de 2050. La conclusion semble dès lors hâtive : « En définitive, le traitement et le recyclage, avec les installations existantes, constituent aujourd’hui une filière industrielle totalement maîtrisée pour gérer les combustibles usés...».

Pour le rapport, le plutonium, retrouvé en grande quantité dans le combustible nucléaire irradié, est un des éléments “qui pose le plus de problèmes à la filière de retraitement, compte tenu de ses caractéristiques qui le rendent très dangereux (très forte radiotoxicité et durée de demi-vie de 24 000 ans pour le Plutonium 239)”. Le groupe prédit même un avenir qu’il n’est pas en mesure d’estimer concernant un second recyclage du plutonium contenu dans le MOX, dont les pastilles sont un million de fois plus radioactives que celles d’uranium . Le retraitement du plutonium est, pour EDF, une certitude :

Bien qu’il n’existe actuellement aucune perspective validée en France de recycler une seconde fois le plutonium (contenu dans les assemblages MOX usés), le maître d’ouvrage estime que « les combustibles MOX usés permettent ainsi de constituer une réserve de plutonium pour EDF » dans la perspective d’une nouvelle génération (dite IV) de réacteurs à horizon 2050.

“Du pire au super-pire”

Mais le comble, pour un dossier consultable par le public, concerne son manque de lisibilité. Il est jugé par l’Autorité environnementale comme étant « difficile à lire, tant par sa longueur et son organisation générale (renvoi de parties essentielles dans des annexes) que par sa rédaction ». Sur le site d’EDF, 1448 pages en format flash, non téléchargeables.

L’Autorité environnementale recommande de trouver un mode de présentation qui permette de mieux hiérarchiser les enjeux que l’étude d’impact doit prendre en charge, du double point de vue des impacts sur l’environnement et la santé humaine et de celui de l’information du public. [...] l’Autorité environnementale recommande au maître d’ouvrage de mettre à disposition, lors de l’enquête publique, des moyens informatiques permettant de retrouver rapidement les pages concernées par des mots clés qui pourraient être identifiés notamment avec la contribution de la Commission locale d’information du site nucléaire du Blayais.

Pour Stéphane Lhomme, président de l’Observatoire du nucléaire, ancien porte-parole du réseau Sortir du nucléaire et président de l’association Tchernoblaye :

C’est encore pire avec le MOX en cas de catastrophe. En plus de tous les produits qu’il y a dans les réacteurs, il y aura du plutonium. On en est à comparer le pire avec le super-pire. EDF, après Fukushima continue et veut ajouter du MOX comme s’il ne s’était rien passé. On sait à l’avance que le verdict final sera positif pour EDF même si tous les gens qui viennent à l’enquête publique ajoutent des annotations contre la modification du décret. Même si dix mille personnes le refusent.

Le Ministère de l’écologie aura le dernier mot.


Illustration Flickr PaternitéPartage selon les Conditions Initiales gadl

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La prime de la primaire http://owni.fr/2011/10/16/la-prime-de-la-primaire/ http://owni.fr/2011/10/16/la-prime-de-la-primaire/#comments Sun, 16 Oct 2011 22:53:19 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=83597

L’affluence aux urnes pour le second tour de cette primaire permettra au Parti socialiste et à François Hollande de se lancer dans la campagne présidentielle avec une belle avance financière. Avec un pactole d’au moins 1,2 million d’euros. Selon les trésoriers du parti avec lesquels nous nous sommes entretenus, les frais engendrés par cette élection, d’un montant de 3,6 millions d’euros, ont été largement couverts dès le premier tour grâce au système de participation de « un euro ou plus » par votant.

L’argent collecté, premier et second tour confondus – selon des données provisoires recueillies ce dimanche 16 octobre à 23h – a permis de porter la somme globale des dons à 4,8 millions d’euros. Soit un bénéfice net d’1,2 million qui apportera une confortable réserve de trésorerie pour couvrir les premiers frais du marathon présidentiel.

Les factures sécurité et publicité

Pourtant l’affaire n’était pas gagnée. Le budget global de 1,5 millions d’euros pour cette primaire a doublé avant l’été pour atteindre 3 millions d’euros. Avant de culminer à 3,6 millions d’euros, après avoir été revu à la hausse pour faire face aux difficultés à obtenir les listes électorales dans un format exploitable. Un surcoût que détaille Régis Juanico, député de la Loire et trésorier du parti, mis en place à ce poste par Martine Aubry :

La récupération des listes électorales aurait du nous coûter zéro euro. Seulement, cette hypothèse reposait sur le travail des mairies et nous avons du faire des efforts pour être sûr que nous aurions les documents à temps : pendant l’été, nous avons embauché trente salariés en CDD pour faire des relances là où nous avions des manques. Les documents nous arrivaient parfois dans des formats papiers et, là, il a fallu scanner massivement.

Le poste budgétaire le plus important de cette primaire revient ainsi à la gestion des listes électorales. En plus des 500 à 600 000 euros de récupération desdites listes, le PS a déboursé près de 700 000 euros de procédure de sécurisation. Les listes étaient en effet scellées avant l’arrivée au bureau, re-scellées après le premier tour, puis de nouveau après le second avant d’être transportées par camion à Paris pour être détruites. Une précaution incontournable pour éviter les contestations sur la confidentialité du scrutin.

Deuxième poste budgétaire : la publicité. Les encarts achetés dans la presse quotidienne régionale et nationale pour annoncer le vote ont totalisé 800 000 euros, soit plus du double du prix d’impression et d’expédition des 6 millions de tracts couleurs de quatre pages expliquant le vote (environ 300 000 euros).

Dépense, stratégique elle aussi : les 300 à 500 000 euros du stylo électronique qui permettait de récupérer les coordonnées des participants. Un coût bien mince au regard du fichier de contacts constitué au seul premier tour.

Dans l’organisation du scrutin, la fabrication des cartons électoraux, contenant le nécessaire au fonctionnement des 9500 bureaux de vote (bulletins, enveloppes, documents, signalétique, affichette) aura finalement représenté l’un des coûts les plus faibles : 300 à 400 000 euros.

Vite gagné

La cagnotte ne va cependant pas dormir longtemps dans les caisses. Une partie pourrait servir à indemniser les fédérations ayant eu à payer des frais de location de salle supérieurs à la moyenne.

Dès le départ, il était entendu que le scrutin étant en très grande majorité à la charge du national, les fédérations participaient en louant les salles, précise le trésorier du Parti socialiste. Nous envisageons néanmoins de compenser les départements qui ont payé plus que la moyenne.

Maintenant que François Hollande est désigné, les tacticiens du parti ont prévu de le proclamer dans les formes. Avec en particulier une convention d’investiture prévue le 22 octobre à la Halle Freyssinet à Paris, d’ores et déjà estimée à plus de 500 000 euros. En décembre, le Mouvement des jeunes socialistes verra ses journées de préparation à la présidentielle également financées par le Parti.

De quoi donner au Parti socialiste l’occasion de continuer d’occuper le terrain médiatiquement et politiquement avec plusieurs semaines d’avance sur la plupart des concurrents à l’élection présidentielle.


Illustrations par Loguy pour Owni /-)
Infographie par Loguy et Sylvain Lapoix

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Le PS remplit ses urnes et ses caisses http://owni.fr/2011/10/10/le-ps-remplit-ses-urnes-et-ses-caisses/ http://owni.fr/2011/10/10/le-ps-remplit-ses-urnes-et-ses-caisses/#comments Mon, 10 Oct 2011 07:51:06 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=82714 En atteignant 2,665 millions de votants à un euro de participation minimum dimanche 9 octobre, le Parti socialiste a d’ores et déjà remboursé l’intégralité des frais de l’organisation des primaires : selon le trésorier du parti, 3,2 à 3,7 millions d’euros auraient été récoltés, contre 3,5 millions d’euros de budget pour les deux tours du scrutin. Validé ce matin par la Haute autorité des primaires, le taux de participation supérieur aux prévisions n’est pas seulement une démonstration de l’efficacité de la démarche mais aussi une bonne opération de financement de la campagne présidentielle.

1,4 euro en moyenne

Dimanche, l’affaire a plutôt bien fonctionné. Du fait de l’impossibilité de rendre la monnaie et de la consigne donnée aux assesseurs de préciser que la participation était libre, la moyenne des contributions était systématiquement supérieure à 1 euro. À Saint-Étienne, la moyenne s’établissait ainsi entre 1,4 et 1,5 euro. Assesseur dans un bureau parisien d’un peu plus de 800 votants, une militante a compté une « caisse de participation » supérieure à 1 200 euros. Le premier tour ayant coûté 2,5 millions d’euros, la collecte sera donc mathématiquement excédentaire. « Nous avons même récolté un minimum de 8 000 euros pour les bulletins blancs, s’amuse un permanent de Solférino. Maintenant, on a de l’argent. »

Pour le second tour, beaucoup de coûts auront déjà été amortis (publicité, tracts, site Internet, etc.). Ne restent à réinvestir que pour l’impression des bulletins (par jeux de deux au lieu de six), la distribution des enveloppes, les procédures de sécurisation (huissier, confidentialité, destruction des données nominatives, etc.) et l’infrastructure de remontée de données pour vérification. Un total avoisinant le million d’euros. Or, si les listes d’émargements permettront aux votants du premier tour de s’exprimer sans avoir à verser de PAF, les nouveaux participants et ceux qui souhaiteront contribuer viendront faire grossir la collecte. Et, comme pour tout scrutin d’enjeu national, les socialistes comptent bien sur une participation plus forte encore au second tour.

En théorie, la contribution d’un euro par votant aux primaires n’a rien de « symbolique ». Pris dans son ensemble, l’organisation des deux tours de scrutin représente un budget de 3,5 millions, selon le trésorier du PS (un demi million de plus que le coût évalué au départ). Soit un peu moins de la moitié du budget total (7 à 8 millions d’euros) prévu pour la campagne socialiste à l’élection présidentielle. Suite à une décision rendue par la Commission nationale des comptes de campagne et financements politiques, ce mode de désignation choisi par le parti ne peut faire l’objet d’un remboursement prélevé sur des deniers publics. Plutôt que de pomper dans les caisses du parti, le PS a préféré faire tourner le chapeau, sur le principe de la libre participation, comme il a l’habitude de la pratiquer dans les meetings.

Frais annexes et grosses économies

Organisée par les instances nationales du PS, la primaire est financièrement gérée par le trésorier du parti, Régis Juanico :

La somme des participations est consignée, au même titre que les résultats, dans le procès-verbal de vote qui est transmis à la Haute autorité des primaires. Le président du bureau de vote doit ensuite aller déposer dans une agence de la Banque postale l’intégralité du montant sur le compte dédié « Primaires 2011 ».

Une fois en banque, la somme a d’abord vocation à régler les frais des primaires. Quant à l’excédent, comme pour tout meeting du PS, il rentre dans le budget du Parti avec pour mission de financer la campagne, comme le précisait clairement le site questions-réponses de la primaire :

Pourquoi la participation aux frais est-elle fixée à 1 euro ?
Il a été décidé de limiter ce montant à une somme permettant de n’exclure personne. Il vous sera possible, si vous souhaitez contribuer davantage, de verser également un don du montant de votre choix, dans les limites légales, pour financer la future campagne pour le changement en 2012.

Seule exception envisagée par le trésorier du PS : les indemnités d’occupation des bureaux de vote. La plupart du temps prêtées gracieusement par les mairies, certaines écoles ou salles communales ont fait l’objet de compensation pour mise en place et entretien (présence d’un agent municipal, mesures d’hygiènes pour les salles de classe, etc.). A Paris, chacun des 260 bureaux de vote a été loué 700 euros par la mairie. Sur Nice, 14 000 euros ont été demandés pour la totalité des salles. Selon un proche de Martine Aubry, le maire du Raincy, l’UMP Eric Raoult, aurait facturé 7 000 euros l’accès à chaque local… En théorie, ce budget est à la charge des fédérations mais le parti envisage de compenser tout ou partie de ces frais avec les éventuels « bénéfices » des primaires, notamment pour éviter que certains départements ne déboursent plus que d’autres.

Mais c’est un bien maigre effort comparé à certaines économies réalisées par le Parti. A côté des listes d’émargement, les formulaires de contact ont connu un énorme succès dans les bureaux de vote, selon le trésorier du PS :

20 à 50% des participants ont laissé leurs coordonnées ce qui constitue une base de données de un million de personnes qui nous sera très utile pour les élections nationales comme locales à venir : c’est un très bon investissement.


Photos et illustrations vis Flickr par Jonathan Probe [cc-by-nc-nd]
Kit des primaires socialistes

Papier mis à jour le 10.10.2011 à 17h47.

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Les data en forme http://owni.fr/2011/10/07/data-crowdsourcing-segregation-sncf-ps-meteo-porn/ http://owni.fr/2011/10/07/data-crowdsourcing-segregation-sncf-ps-meteo-porn/#comments Fri, 07 Oct 2011 14:05:16 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=82593 Une fois n’est pas coutume, ce sont les représentations d’un mouvement de foule, de son humeur ou de son opinion, ou de son empreinte géographique qui ont attiré notre attention cette semaine. Et c’est devant une nouvelle production de haut vol (en HTML5, forcément) du New York Times que nous nous pâmons le plus nettement : “What’s Your Economic Outlook?” [en] est une application de crowdsourcing développée par Tom Jackson, Daniel McDermon et Aron Pilhofer, ayant pour objet d’interroger les lecteurs sur leur sentiment face à l’avenir, pour leur propre travail, pour l’économie et les générations futures. Et naturellement, de se situer par rapport aux autres internautes de passage. Le rendu graphique, qui affiche l’ensemble de l’étude ou bien son contenu filtré par vos soins, est original et lisible, sans fioritures, et offre une photographie instantanée de l’échantillon – sans doute non représentatif de la population étasunienne – ayant répondu à l’enquête. Et pour les plus sociologues d’entre-vous qui souhaitent aller au-delà de la simple représentation graphique, les commentaires des internautes valent indéniablement le détour – tant pour leurs motifs d’espoir que pour les sentiments négatifs qui les parcourent assez globalement.

What's Your Economic Outlook?

“Aucune carte du monde n’est digne d’un regard si le pays de l’utopie n’y figure pas.” (Oscar Wilde)

Autre cartographie artistique du réel, “Les divisions raciales et ethniques dans les villes américaines“, remarquable travail d’Eric Fischer inspiré de la carto radicale [en] de Bill Rankin, et élaboré à partir des données du recensement de 2010. Le principe : chaque point équivaut à vingt-cinq citoyens, qui sont colorisés selon leur “race” (rouge pour les Blancs, bleu pour les Noirs, vert pour les Asiatiques) ou leur ethnie (orange pour les Hispaniques). Le résultat : la mise en avant par la couleur que la mixité sociale est un concept très théorique. A défaut d’obtenir ce genre de données pour la France, où la question des statistiques ethniques est un vaste débat, ce travail sur les États-Unis remplit bien son office : celui de nous faire cogiter sur nous-mêmes.

Race and ethnicity 2010

Restons dans l’ouverture des données et rapprochons-nous de la France pour découvrir, en ce jour de perturbations sur les chemins de fer de notre beau pays, une excitante initiative citoyenne : “Un train de retard“. Ce site d’information indépendant est “basé sur les données publiques distribuées par la SNCF” et agrège très intelligemment celles-ci en reconstituant un véritable tableau de bord statistique en temps réel de la qualité de service du rail. Reste à savoir si la SNCF glissera sur la pente dangereuse déjà empruntée par la RATP en la jouant un peu perso, ou si elle rendra hommage à ce bel ouvrage qui n’aurait pas été possible sans l’ouverture des données.

Un train de retard

La France, quand elle ne célèbre pas Steve Jobs, se prépare doucement à renouveler son état-major et la première étape passe par les primaires socialistes dès ce week-end. On se sera sans doute fait son idée en suivant les débats à la télévision, mais rien ne vaudra jamais une petite synthèse pour faire son choix – s’il en est un – parmi les candidats. A ce jeu, les experts du Figaro avaient ouvert le bal au mois d’août avec leur application “Les propositions des candidats à la primaire socialiste” et viennent d’être tardivement rejoints par les fines gâchettes du Monde dans leur visuel interactif “Primaire PS : comparez les propositions des candidats“. Sans être emballant esthétiquement, ni par le choix de la technologie employée (bref, j’ai fait un tableau en Flash), ce gros boulot de Samuel Laurent (#FF) et Alexandre Léchenet (#FF) doit figurer dans notre modeste veille hebdomadaire, sans la moindre hésitation.

Juste un truc : François Hollande aime la Hadopi. Faudra mettre à jour.

Primaire PS sur lemonde.fr

“La séduction est de l’ordre du rituel, le sexe et le désir de l’ordre du naturel.” (Jean Baudrillard)

Pour surfer sur la vague rose, un petit détour vers la moiteur et la sensualité #oupas, à travers deux maniements de la data cochonne : le premier, raffiné, dûment nommé “Every Playboy Centerfold, The Decades” [en], est le travail de l’artiste Jason Salavon, issu de sa série “Amalgames” [en], dont le principe est de produire une synthèse (vous voyez comme on est raccord) graphique d’un corpus d’œuvres pour en créer une finale. Ici, c’est l’ensemble des pages centrales de la célèbre revue Playboy qui est empilé dans un élégant flou quadrifide qui n’est pas sans rappeler vaguement le linceul de Turin. Voulu ou pas, l’effet qui s’en dégage est troublant : il semble qu’à travers les âges, le choix (inconscient ?) du magazine se porte vers des demoiselles en moyenne de plus en plus pâles. Une pensée pour Michael Jackson.

Every Playboy Centerfold, The Decades

Moins subtile, l’infographie un poil buzzy du site de recherche d’écoles et d’emplois dans la psychologie Online Psychology Degree, intitulée sobrement “Porn Addiction in America” [en], s’efforce de démontrer que les Étasuniens sont complètement drogués au porno. Rapprochée tout en nuances pour l’occasion à la prostitution (Argent + Sexe = Business), l’industrie de la pornographie arroserait le bon peuple de deux nouveaux films par heure aux États-Unis, et pas moins de 30 000 citoyens chauds comme la braise visualiseraient du cochon chaque seconde que Dieu fait. Pire, 70% du trafic Internet salace se ferait pendant les heures de bureau. Ce n’est pas en France qu’on verrait des choses comme ça arriver !

Porn Addiction in America

One more thing

S’il existe un autre sujet consensuel à l’humanité qui aura survécu haut la main à la migration des esprits vers le numérique et l’immatériel (hormis le sexe, donc), c’est bien la météo. Il existe un nombre indécent de sites web consacrés à cette science de l’improbable, qu’on aime critiquer pour leurs prévisions parfois détrompées par les faits, souvent par les espérances. Choisir “son” site météo c’est un peu comme devoir trouver son marteau chez Casto : c’est utile mais à la fin ils se ressemblent un peu tous. C’est à ce moment qu’entrent en piste Jacob Norda et James Diebel et leur concept : WeatherSpark [en]. En s’appuyant sur les données de weather.gov, de l’Institut national de météorologie de Norvège et des API des sites World Weather Online et Weather Central, les deux jeunes ingénieurs californiens ont monté une interface interactive de grande classe qui permet de naviguer dans la donnée, y compris dans le temps, de manière extrêmement intuitive et quasi ludique.

C’est clairement le frisson Flash du moment.

WeatherSpark

WeatherSpark


Retrouvez les précédents épisodes des Data en forme !

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http://owni.fr/2011/10/07/data-crowdsourcing-segregation-sncf-ps-meteo-porn/feed/ 5
Libé vampirise les primaires http://owni.fr/2011/10/04/liberation-vampirise-les-primaires/ http://owni.fr/2011/10/04/liberation-vampirise-les-primaires/#comments Tue, 04 Oct 2011 07:27:02 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=82048 Mise à jour: Ce 4 octobre 2011, c’est au tour du favori des sondages François Hollande de se faire tirer le portrait dans Libé:


Et de quatre! La bouille d’Arnaud Montebourg est venue rejoindre le 30 septembre dernier la sinistre galerie des portraits des candidats à la primaire commandés par Libération au photographe Yann Rabanier.

Une série qui a déjà beaucoup fait parler d’elle, dès sa première occurrence, le 20 septembre, commentée notamment sur Culture Visuelle, Rue89 ou Arrêt sur images.

“Certaines photos font plus causer que d’autres” remarque, candide, le journaliste préposé à la réplique sur Liberation.fr, faisant mine de s’étonner qu’on y trouve à redire. Le service photo n’a-t-il pas “agréé” la proposition de Rabanier, qui vise à révéler “le masque que toute personnalité politique adopte”?

Ben voyons. Si les commanditaires sont contents, pourquoi chercher la petite bête? A quoi bon toute cette “agitation” sur Twitter? L’auguste Demorand, à son tour titillé sur Canal +, s’en tire par une pirouette, en évitant de répondre sur le fond.

Un renvoi à la tradition du film noir, d’horreur ou de vampires

L’“agitation” qui a accueilli ces images est pourtant significative, tout comme les nombreuses associations qu’a suscité le portrait de Martine Aubry, qui vont de Blue Velvet à Priest en passant par The Dark Night ou Chucky, mais qui n’évoquent curieusement jamais Mary Poppins ni l’Ile aux enfants.

Que Libération tente de glisser sous le tapis les réactions suscitées par cette série n’est pas surprenant. Il faut pourtant admettre que le coup de projecteur qui isole les contours du visage, faisant flotter dans les airs une tête au teint blafard, n’a rien d’un portrait conventionnel.

Contrairement à ce que croit le critique d’art improvisé Jonathan Bouchet-Petersen, les associations des internautes ne visent pas à repérer l’origine d’une “filiation” iconographique. Les références évoquées proposent plutôt une forme d’analyse sauvage, qui rappelle qu’en matière visuelle comme ailleurs, il existe une culture, des codes, des genres. Pour une grande partie du public, le visage violemment éclairé sur fond sombre renvoie à la tradition du film noir, d’horreur ou de vampires.

Il est peu probable, eu égard à son lectorat, que Libé ait eu l’intention de zombifier volontairement les candidats à la primaire socialiste. Les dénégations du journal suggèrent que le projet était plutôt, en faisant appel à un photographe qui tente de renouveler le genre du portrait, de créer une signature visuelle originale, un signe repérable permettant d’identifier la série.

La “zombification”, un principe frappant

Les contraintes du feuilleton ne laissaient en effet guère de choix. Compte tenu de la dispersion chronologique des interviews, la réutilisation de portraits existants aurait forcément dilué l’unité du projet éditorial. Comparable à celle récemment publiée en couverture du Nouvel Observateur (voir ci-dessus), la commande d’une série ad hoc s’imposait.

Si l’on ajoute que les invitations des candidats, qui se déplacent au journal, sont elles aussi effectuées de manière échelonnée dans le temps, et que le photographe doit réaliser ses prises de vues en fonction de ce calendrier, la solution d’un dispositif facilement reproductible n’était pas une option absurde.

La gestion de cette grille de contraintes était-elle compatible avec le choix du spectaculaire? Plus encore que le portrait politique, le portrait du candidat en campagne se conforme habituellement à la règle implicite d’en présenter une image favorable. Le précédent du portrait du candidat Obama publié par le magazine Time en septembre 2008, qui avait suscité lui aussi la controverse, montre que la marge est étroite. L’art du portrait est un art de l’éclairage et de la gestion de l’expression, où les plus petits détails peuvent faire déraper l’interprétation.

Écrasés par un dispositif sommaire et mal maîtrisé, les candidats socialistes ne sont pas présentés à leur avantage. En revanche, l’effet de signature visuelle de la série, très identifiable, fonctionne à plein. Cet épisode montre quel est le rapport de force entre médias et personnalités politiques en période de campagne, et atteste qu’une série d’entretiens constitue un produit éditorial attractif pour un journal comme Libé. Plutôt que les candidats, c’est bien ce produit que vantent les portraits de Une.

La série de Rabanier n’est rien d’autre qu’une publicité pour un feuilleton maison qui va booster les ventes. La réussite du buzz encouragera peut-être d’autres organes à reprendre ce principe frappant. On n’a pas fini de vampiriser la campagne.


Article initialement publié sur Culture Visuelle sous le titre “Libération vampirise les primaires”.

Illustrations: captures par Culture Visuelle. Photographies des candidats à la primaire socialiste par Yann Rabanier pour Libération

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