OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Libé vampirise les primaires http://owni.fr/2011/10/04/liberation-vampirise-les-primaires/ http://owni.fr/2011/10/04/liberation-vampirise-les-primaires/#comments Tue, 04 Oct 2011 07:27:02 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=82048 Mise à jour: Ce 4 octobre 2011, c’est au tour du favori des sondages François Hollande de se faire tirer le portrait dans Libé:


Et de quatre! La bouille d’Arnaud Montebourg est venue rejoindre le 30 septembre dernier la sinistre galerie des portraits des candidats à la primaire commandés par Libération au photographe Yann Rabanier.

Une série qui a déjà beaucoup fait parler d’elle, dès sa première occurrence, le 20 septembre, commentée notamment sur Culture Visuelle, Rue89 ou Arrêt sur images.

“Certaines photos font plus causer que d’autres” remarque, candide, le journaliste préposé à la réplique sur Liberation.fr, faisant mine de s’étonner qu’on y trouve à redire. Le service photo n’a-t-il pas “agréé” la proposition de Rabanier, qui vise à révéler “le masque que toute personnalité politique adopte”?

Ben voyons. Si les commanditaires sont contents, pourquoi chercher la petite bête? A quoi bon toute cette “agitation” sur Twitter? L’auguste Demorand, à son tour titillé sur Canal +, s’en tire par une pirouette, en évitant de répondre sur le fond.

Un renvoi à la tradition du film noir, d’horreur ou de vampires

L’“agitation” qui a accueilli ces images est pourtant significative, tout comme les nombreuses associations qu’a suscité le portrait de Martine Aubry, qui vont de Blue Velvet à Priest en passant par The Dark Night ou Chucky, mais qui n’évoquent curieusement jamais Mary Poppins ni l’Ile aux enfants.

Que Libération tente de glisser sous le tapis les réactions suscitées par cette série n’est pas surprenant. Il faut pourtant admettre que le coup de projecteur qui isole les contours du visage, faisant flotter dans les airs une tête au teint blafard, n’a rien d’un portrait conventionnel.

Contrairement à ce que croit le critique d’art improvisé Jonathan Bouchet-Petersen, les associations des internautes ne visent pas à repérer l’origine d’une “filiation” iconographique. Les références évoquées proposent plutôt une forme d’analyse sauvage, qui rappelle qu’en matière visuelle comme ailleurs, il existe une culture, des codes, des genres. Pour une grande partie du public, le visage violemment éclairé sur fond sombre renvoie à la tradition du film noir, d’horreur ou de vampires.

Il est peu probable, eu égard à son lectorat, que Libé ait eu l’intention de zombifier volontairement les candidats à la primaire socialiste. Les dénégations du journal suggèrent que le projet était plutôt, en faisant appel à un photographe qui tente de renouveler le genre du portrait, de créer une signature visuelle originale, un signe repérable permettant d’identifier la série.

La “zombification”, un principe frappant

Les contraintes du feuilleton ne laissaient en effet guère de choix. Compte tenu de la dispersion chronologique des interviews, la réutilisation de portraits existants aurait forcément dilué l’unité du projet éditorial. Comparable à celle récemment publiée en couverture du Nouvel Observateur (voir ci-dessus), la commande d’une série ad hoc s’imposait.

Si l’on ajoute que les invitations des candidats, qui se déplacent au journal, sont elles aussi effectuées de manière échelonnée dans le temps, et que le photographe doit réaliser ses prises de vues en fonction de ce calendrier, la solution d’un dispositif facilement reproductible n’était pas une option absurde.

La gestion de cette grille de contraintes était-elle compatible avec le choix du spectaculaire? Plus encore que le portrait politique, le portrait du candidat en campagne se conforme habituellement à la règle implicite d’en présenter une image favorable. Le précédent du portrait du candidat Obama publié par le magazine Time en septembre 2008, qui avait suscité lui aussi la controverse, montre que la marge est étroite. L’art du portrait est un art de l’éclairage et de la gestion de l’expression, où les plus petits détails peuvent faire déraper l’interprétation.

Écrasés par un dispositif sommaire et mal maîtrisé, les candidats socialistes ne sont pas présentés à leur avantage. En revanche, l’effet de signature visuelle de la série, très identifiable, fonctionne à plein. Cet épisode montre quel est le rapport de force entre médias et personnalités politiques en période de campagne, et atteste qu’une série d’entretiens constitue un produit éditorial attractif pour un journal comme Libé. Plutôt que les candidats, c’est bien ce produit que vantent les portraits de Une.

La série de Rabanier n’est rien d’autre qu’une publicité pour un feuilleton maison qui va booster les ventes. La réussite du buzz encouragera peut-être d’autres organes à reprendre ce principe frappant. On n’a pas fini de vampiriser la campagne.


Article initialement publié sur Culture Visuelle sous le titre “Libération vampirise les primaires”.

Illustrations: captures par Culture Visuelle. Photographies des candidats à la primaire socialiste par Yann Rabanier pour Libération

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Du bon usage des photos de stock http://owni.fr/2011/06/28/du-bon-usage-des-photos-de-stock/ http://owni.fr/2011/06/28/du-bon-usage-des-photos-de-stock/#comments Tue, 28 Jun 2011 06:20:03 +0000 Patrick Peccatte http://owni.fr/?p=71899 Le service TinEye de la société canadienne Idée était depuis 2008 le seul outil gratuit permettant d’effectuer des recherches inversées d’images. La nouvelle fonctionnalité Search by Image [SbI dans la suite de ce billet] proposée récemment par Google Images porte désormais ce type de recherche à une échelle bien plus vaste. Cette nouveauté a d’ailleurs été accueillie sportivement mais avec un peu d’inquiétude par TinEye.

La base de TinEye référence des images ajoutées par un robot crawlant le Web. Mais elle contient également des images provenant de contributeurs partenaires tels que GettyImages, iStockphoto, Photoshelter, etc. Il s’agit là d’un point fort du service puisque ces collections intégrées constituent une partie organisée et contrôlée de la base indexée permettant à l’aide du moteur d’identifier parfois l’origine probable d’une image utilisée sur le Web.

Cependant, bien que TinEye revendique deux milliards d’images indexées, sa base demeure peu volumineuse par rapport à celle du mastodonte Google Images. Et surtout, l’utilisateur ne peut effectuer qu’un nombre limité de recherches: 50 dans une même journée et 150 par semaine. Pour s’affranchir de cette limitation, il doit souscrire un abonnement commercial qui autorise aussi l’automatisation des recherches à l’aide de l’API du système.

Le service gratuit et grand public de TinEye apparaît donc comme un produit d’appel – au demeurant fort utile – qui permet à la société Idée de proposer ensuite une offre commerciale comme il en existe d’autres réservées au monde professionnel

Google SbI quant à lui opère sur une base d’images bien plus grande que TinEye et n’impose pas de limite dans le temps au nombre de recherches effectuées. Par contre, toutes les images retrouvées proviennent du crawling réalisé par les robots du moteur. Aucune image indexée n’a été préalablement sélectionnée et éditorialisée dans une collection fournie par un prestataire quelconque. Ces différences majeures conduisent donc à considérer que pour un utilisateur “lambda” n’ayant pas investi dans un service professionnel, TinEye et Google SbI sont complémentaires plutôt que concurrents.

Analyser l’utilisation des photos de stock

Jusqu’à l’apparition de Google SbI, seules des recherches inversées très ponctuelles étaient possibles à l’aide de TinEye; il n’était guère envisageable de réaliser une analyse exhaustive des images utilisées sur un site complet, sauf à acquérir une licence d’un logiciel professionnel (et encore…). La conjugaison des deux services permet dorénavant de conduire rapidement des études intéressantes sur les utilisations des photos de stocks par les sites d’entreprises ou institutionnels. Voici quelques exemples.

Soit le site daucy.fr d’une marque bien connue sur le marché des légumes en conserve

Une analyse globale de ce site permet d’identifier 627 images différentes réparties ainsi:

  • 352 photos de produits comportant le nom de la marque,
  • 68 images “de service” (boutons, lignes, signes graphiques divers),
  • 207 photos d’illustration choisies d’après le contexte de la page où elles apparaissent mais qui ne comportent pas le nom de la marque.

La méthodologie suivie pour repérer les images de stock utilisées est simple. Elle ne concerne bien évidemment que la dernière catégorie d’images. Deux “filtres” successifs sont mis en œuvre. Il s’agit d’analyser d’abord chacune de ces 207 photos à l’aide de Google SbI. Ensuite, les photos qui ne paraissent pas issues de banques de stock selon ce premier crible sont analysées à l’aide de TinEye.

Le procédé permet de repérer rapidement 106 photos clairement issues de banques de stock et 101 photos qui, selon nos deux logiciels détectives, sont inconnues ailleurs que sur daucy.fr. Mais cette répartition presque exactement à parts égales ne constitue en fait qu’une limite basse pour les photos de stock. Tout d’abord, le service TinEye n’a pu être utilisé dans cette expérience sur toutes les images que nous souhaitions analyser en raison des limitations temporelles expliquées ci-dessus. Ensuite, le fait qu’une image ne soit pas reconnue dans les index de Google SbI et TinEye ne signifie pas qu’elle ne provient pas d’une banque de stock. C’est ainsi que les nombreuses photos de recettes qui figurent sur le site en question proviennent presque certainement toutes de microstocks ou de banques généralistes ou spécialisées dans le culinaire qui demeurent à l’écart des crawlers des deux services. Au final donc, seule une poignée de photos d’illustration de ce site ont été réalisées expressément pour le commanditaire. La plupart des images où ne figurent pas le nom de la marque n’ont aucun lien avec la réalité de l’entreprise. Ce sont des images décoratives composées a priori et partagées par de nombreux autres sites.

Distinguer les photos de stock des photos originales

On rétorquera sans doute que ce phénomène d’utilisation massive des images de stock est bien connu. Certes, mais il est désormais possible de quantifier précisément le ratio entre photos de stock et photos originales utilisées sur un site. Et pour les raisons qui viennent d’être données, ce ratio sur lequel les studios graphiques ne communiquent pratiquement jamais est toujours plus élevé que celui établi par l’investigation réalisable maintenant avec la recherche inversée. Cette possibilité d’analyse et de quantification d’une pratique très répandue est certainement nouvelle. On peut cependant aller plus loin en examinant plus précisément la nature de ces images partagées et détecter ainsi quelques utilisations curieuses ou même problématiques des photos de stock.

Examinons par exemple la page intitulée “Les légumes : indispensables pour un repas équilibré“:

Les trois images sont des photos de stock provenant des banques Getty Images (1) et iStockphoto (2 et 3), et elles sont utilisées sur de nombreux sites variés comme on peut s’en rendre compte à l’aide des requêtes suivantes sur Google SbI: 1, 2, 3.

En fait presque toutes les photos de légumes frais qui figurent sur ce site proviennent de stocks et un esprit un peu taquin pourrait penser que la marque préfère présenter ces belles images de produits appétissants plutôt que les légumes qu’elle utilise réellement

Mais après tout, une carotte est toujours une carotte et l’on peut estimer que ces images qui se retrouvent dans d’autres contextes que celui de l’entreprise n’ont pas grande importance. L’usage de photos passe-partout devient par contre plus problématique quand il s’agit d’images de personnes. Examinons maintenant la page “Dans les ateliers de production“:

En un clic, on s’aperçoit que la jeune femme en blanc qui illustre le paragraphe “Qualité” travaille aussi dans un laboratoire vétérinaire, dans le secteur pharmaceutique, dans le contrôle qualité, dans un laboratoire d’investigation criminelle, etc. Et toutes ces activités concomitantes se déroulent en Asie, en Europe, aux États-Unis.

Un autre clic nous apprend que la chercheuse en petits pois du second paragraphe est aussi secrétaire dans une agence du Crédit Agricole, teste des produits médicaux, participe au denier du culte en Allemagne, sans oublier qu’elle a aussi une carrière bien remplie d’astrologue.

La tromperie peut être encore plus flagrante. Pour ce dernier exemple, quittons nos légumes et observons le site de la très sérieuse Fédération Bancaire Française, sur sa page “Découvrez les métiers de la banque“.

Identifier les usages illicites

Lorsque l’on clique sur l’un des métiers mentionnés en lien, une fiche descriptive apparaît, souvent terminée par un témoignage. Tous les portraits qui accompagnent ces témoignages sont factices. Ce sont des photos de stock. Ainsi, Olivier (trader à Paris) poursuit de multiples carrières aux quatre coins du monde et Étienne (juriste en banque de détail) n’en finit pas de se démultiplier pour satisfaire tous ses brillants employeurs. Ces pratiques que l’on aurait pu croire réservées aux pires sites de rencontre passaient auparavant facilement inaperçues. L’honorable institution qu’est la FBF est pourtant bien coupable de bidonnages, moins spectaculaires mais aussi intéressants que celui qui vient de se dérouler sur TF1.

Témoignages bidonnés sur le site de la Fédération Bancaire Française

Les professionnels de la photographie ont en général bien accueilli Google SbI. Ils voient dans cette fonctionnalité une aide à l’identification des usages illicites des photos. Mais au delà de cette “chasse aux photos volées”, les services de recherche inversée constituent aussi des outils fort utiles pour l’amélioration des usages iconographiques. Les directeurs artistiques doivent devenir extrêmement attentifs lorsqu’ils choisissent des images. Il est indispensable qu’ils identifient systématiquement les usages passés éventuels d’une photo qui retient leur attention. Les agences peuvent aussi mettre en évidence auprès de leurs clients les effets pervers de la concentration et de l’assèchement des sources d’images. Les photographes enfin, disposent avec ces outils d’un moyen d’influencer leurs commanditaires afin de mettre en avant leurs images personnalisées et créatives.


Publié initialement sur Culture Visuelle – Déjà Vu sous le titre, Du bon usage des photos de stock
Photos et illustrations : captures d’écran

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Deux siècles de propagande en images http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/ http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/#comments Mon, 02 May 2011 08:00:14 +0000 david-c http://owni.fr/?p=59574 Petit dossier du jour, plein de poussières parce que retro au possible. Vous connaissez mon amour pour les pubs vintage et autres vieilleries publicitaires, présentes dans de nombreux articles, elles ont aujourd’hui le droit à un article entier.
Évidemment je vais pas m’éclater à faire un article : “Vieilles Pubs”, c’est inutile et pas très intéressant … Donc, après moultes réflexions, l’article d’aujourd’hui concerne tout un pan de l’histoire mondiale en deux siècles. Je cite : la propagande.

Le drapeau sublimé dans la propagande

En soit, ce n’est pas de la publicité pure et dure, mais ce fut de loin le modèle de communication le plus utilisé au XIXème siècle que ce soit en période de guerre comme de stabilité politique. Voici donc une petite rétrospective de la propagande comme vous ne l’avez jamais vu, pays par pays.

La gloire du communisme grâce à la propagande

La Corée du Nord : Bastion de la propagande actuelle

Dernière dictature communiste asiatique, la Corée du Nord est de loin le pays qui maîtrise le plus la propagande. Problématique : Comment faire croire à tout un peuple que ton pays est génial alors que même les rats tentent de fuir ?
Réponse : Mettez un petit bonhomme plein de style, embrigadez tout un peuple dans les mythes et prenez soin de votre communication via la propagande.

La Paysanne, heureuse dans ses champs

Les verts pâturages de la Corée du Nord (Actuellement en État de Famine)

Le sourire na-tu-rel

Évidemment, LE grand ennemi du communisme de type staliniste, c’est le capitalisme. Et qui est LE digne représentant du capitalisme ? Les États-Unis. La Corée du Nord élabore donc toute une propagande contre ses ennemis : les Américains. Et parfois c’est très violent.

Un pays ouvertement haineux envers l’Amérique


Au dessus : “Ne laissez pas les loups américains détruire vos vies”


Utilisation des symboles américains comme le Capitole …


… ou l’aigle, emblème du pays (Contre l’innocent bout de chou coréen)



Au dessus : “Rien n’arrêtera notre avancée !”

“Tous contre l’ennemi américain”

L’économie américaine symbolisée par le Capitole

Dans la même lignée, on a aussi toute une communication sur les avancées technologiques et matérielles du pays. Mais aussi sur les productions du pays qui seraient riches et suffisantes.

La Métallurgie performante du pays

Une technologie dernier cri, pour un pays compétent

Un système ferroviaire développé. Des mineurs héroïques

Même si ça fait très 70 – 80, ces affiches sont bien sorties durant les années 2000

La représentation de l’ennemi est très présente en Corée du Nord, tout comme ces capacités agricoles, techniques, mécaniques, productives, informatiques … Il reste cependant un élément qui est plus que mystifié : le parti (unique). C’est le fondement même de la société nord-coréenne.

Toutes les classes sont représentées pour la gloire du Parti

La gloire du communisme Nord-Coréen sans cesse célébré

Le Juche et le drapeau – Symboles du Pays – En haut”Le Brave Juche”

Le peuple Coréen, un peuple heureux

La Corée du Nord est l’un des derniers forts du communisme stalinien, connu pour sa propagande inimitable : joie des protagonistes, situations irréelles, mystification du pouvoir etc … Tout ça n’est pas sans rappeler l’un des principaux belligérants dans la guerre à la propagande : l’URSS.

L’URSS : La Propagande avec un grand P

Même si aujourd’hui elle n’existe plus, l’URSS a été LA grande puissance de la propagande. Des affiches par milliers, des représentations ultra-idéologiques, c’est en fait l’organisation qui a instauré les codes de la propagande moderne. Ancêtre des affiches Nord Coréennes, il y a tout de même la même structure partagée entre idéologie et embrigadement.

Les figures emblématiques du communisme de l’URSS : Lenine …

… et Staline”Comprenons le chef Staline, entrons dans le communisme”

Lenine mystifié

Contrairement à la Corée du Nord, on voit dans la propagande russe, la dominance du rouge et des symboles idéologiques avec une classe particulièrement représentées : les ouvriers. Représentation logique dans un contexte particulièrement tendu contre les États-Unis où l’apogée de l’URSS atteint des sommets.

La représentation de l’ouvrier et du prolétariat

Les paysans et paysannes, heureux.

La propagande de l’URSS est connue pour exposer ses capacités militaires et techniques, avec exhibitions d’armes et des transports. On chiffre, on veut faire peur, on veut rassurer le peuple. L’URSS est puissante et le montre.

L’importance de montrer des chiffres et du résultat, une spécialité propre à l’URSS

La compagnie nationale des chemins de fer

En haut : “Les ennemis sont au front, les Russes doivent résister aux ennemis de la révolution”

L’armée et la flotte aérienne

Ce type de propagande est aussi reconnaissable avec l’omniprésence des références au sang et à la guerre.

L’ennemi est capitaliste

“Défendons la ville de Lénine”

Tout le monde est réquisitionné, pour l’affrontement

Ce qui est propre à l’URSS c’est l’importance de la parole. Au fur et à mesure des années, il y a eu une évolution concernant la liberté d’expression, la propagande le révèle plutôt bien. De plus, la presse a son importance dans cette société, malgré sa large censure, elle est représentée, tout comme les livres et les diverses sources de savoir.

En bas : “Garde ta langue dans ta bouche”

“Rumeurs, mensonges, histoires, Parler”

L’appel aux connaissances – En bas : l’affiche revisitée par Franz Ferdinand (Second album)

Les dépêches russes, comme par exemple : la Pravda

L’affiche contre le Capitaliste (De préférence gros et bien habillé)

Célébration de la presse – 1926

Il est évident que comme la Corée du Nord, il y a une célébration inépuisable du parti et du communisme, fondement même de l’URSS (CCCP).

Au dessus : “10 ans de la révolution d’octobre”

Le Peuple armé prêt à défendre la CCCP (URSS)

Le Peuple armé prêt à défendre la CCCP (URSS)

En bas : “Tous, pour la victoire”

Ces différentes affiches, nous montre bien les différents codes présents dans la propagande russe et repris par la Corée du Nord. Ces codes sont utilisés par les deux puissances, mais une sous branche se détache et rend la propagande plus originale.

L’URSS Juive

En effet, avant la Seconde Guerre mondiale, l’URSS était l’un des principaux foyers de la population juive européenne. Aujourd’hui minoritaire, les juifs russes ont le plus souvent migré vers Israël ou les États-Unis. Cependant, on retrouve leurs traces culturelles dans la propagande avec de nombreux affichages tout en hébreu et ventant les mérites de l’URSS.

Le Prolétariat Russe Juif, représenté dans quelques affiches

Toujours les paysans juifs en URSS

Affiche qui montre la migration des Juifs Russes vers les États-Unis

Ces deux puissances communistes, nous montre bien l’importance de leurs codes dans leurs affiches : rouge, armée, pouvoir, prolétariat, réussite, ouvrier etc … Cependant, une troisième puissance communiste (Enfin aujourd’hui, communiste de marché, bonjour le paradoxe) se détache …

La Chine

Contrairement a ses consœurs, cette puissance a peu fait de propagande mais le peu qu’elle a fait diffère de l’URSS et de la Corée du Nord. On retrouve la majorité des codes MAIS représentée par des enfants, détail important qui permet à cette propagande d’être plus légère.

“Wrangly aime et respecte la maîtresse”

“Nous aimons les sciences”

“Paix et amitié”

Et évidemment, on retrouve tous les codes habituels du communisme, avec mystification du peuple, apogée du parti, drapeau et insignes …

Les insignes et symboles mais présentés de façon moins violente que l’URSS

L’honneur au drapeau et au labeur

La famille au premier plan

L’armée, moins de sang et plus d’armes

L’ouvrier et les paysans, dans des représentations plus “traditionnelles”

Le petit livre rouge – Propagande pro-Mao

On l’a vu avec ces trois pays que le communisme a été l’un des principaux acteurs du développement de la propagande. Faire oublier la réalité et se conforter dans l’image d’une puissance efficace qui fait peur devient désormais possible, grâce à la propagande.

Mais il ne faut pas oublier que les différentes guerres ont alimenté la propagande mondiale. Avec en tête : les États-Unis

Les États-Unis : L’armée au premier plan

La première puissance économique mondiale a bien utilisé la propagande. Entre les deux guerres mondiales, la guerre froide et les différentes crises géo-politique, le pays est devenu un acteur principal dans la propagande mondiale.

Le Mythique Oncle Sam qui vous pointe du doigt

Les valeurs : respect, honneur, patrie.

L’inimitable patriotisme américain

Avec les États-Unis, c’est simple : l’armée, les trois couleurs, les Marines et le drapeau. Rien en plus, rien en moins. Les Marines et la Navy sont particulièrement représentés.

Enlist in the Navy – Engagez-vous dans la marine

La Navy – Men & Young Men

Les couleurs américaines et le traditionnel uniforme – Navy

Le recrutement des Marines – “The Navy Needs you ! Don’t read American History, MAKE IT “

Tout en symboles : le drapeau, la statue de la liberté (Humanisée) et oncle Sam

Au delà de ces deux branches armées, on retrouve aussi l’armée de terre et l’armée aérienne, très présentes dans les conflits et fiertés des Etats-Unis. On les retrouve évidemment dans la propagande.

Army Air Force, typiquement masculine

Iwo Jima

She’s a WOW – La femme réquisitionnée

Les femmes au service du pays.

La propagande en pleine Seconde Guerre mondiale

Une production massive aux Etats-Unis

"Vole ! Pour sa liberté et la tienne"

La propagande américaine est donc essentiellement militaire et non pas idéologique (Bien qu’Oncle Sam en soit un bon vecteur). On retrouve cependant les fameux “Bonds” vendus lors de la Seconde Guerre mondiale pour financer le pays et le réarmement du Pays.

Oncle Sam, toujours là avec ses Bonds – Et en plus il pointe du doigt

“Repousser le barbare” grâce aux Bonds

Se battre ou acheter des Bonds

L'ennemi Japonais dans la propagande américaine

La propagande américaine reste donc 100% centrée sur l’armée et le combat sous toutes ses formes : via les bonds, les Marines, la Navy, les militaires, la flotte aérienne … L’ennemi n’a pas de forme précise à part celle des barbares. Ce type de propagande lui est propre car très patriotique (Voir là) et est totalement différente de la propagande européenne.

L’Europe

Cette dernière catégorie géographique concerne l’Europe. Bien moins important, voici un petit échantillonnage des différentes affiches de propagande sur deux siècles. On retrouve l’Espagne comme principal acteur de la propagande européenne, notamment à cause de la Guerre Civile.

France : Guerre Froide – Guerre d’Algérie

Allemagne – Hongrie

La propagande nazie : famille parfaite et ouvrier arien

Italie – Seconde Guerre Mondiale

Grande Bretagne – Caricature de Churchill – God Save The King

Portugal – Pays Basque

“Ayuda a la Evacuacion” : Aidez à l’évacuation

Le Socialisme forgera une nouvelle Espagne – L’implication des femmes pour la victoire

“L’unité de l’armée du peuple sera l’arme de la victoire”

Propagande des régions qui se veulent autonomes : Catalogne et Pays Basque

République Espagnole

Avec tout cet article, on peut voir que la propagande a été l’un des vecteurs des valeurs de chaque pays et idéologies au cours de ces deux siècles. En pleine apogée lors des différents conflits mondiaux ou internes, elle est aujourd’hui considérée comme une véritable forme de média pour l’époque. Cependant, une question subsiste : Reste t’il des traces de la propagande aujourd’hui ?

Et Maintenant ?

La propagande aujourd’hui est reconnaissable grâce à tous ses codes esthétiques, on en retrouve beaucoup dans certaines publicités. Résultat, l’art et la publicité réutilise les codes de la propagande.

L’utilisation par M&M’s des anciens codes soviétiques – L’art qui stylise Obama en propagande moderne

Juste pour le plaisir final, ce petit détournement très … actuel.

Un long article donc, qui nous montre que la propagande était une forme de communication comme une autre avec des codes et règles précises. Aujourd’hui on en retrouve des traces dans l’art mais aussi et surtout dans la publicité. Si vous avez des modèles, pas d’hésitation, proposez ;)


Publié initialement sur Advertisingtimes
Illustrations : via Advertisingtimes ; via Flickr par motobrowniano [cc-by-nc-sa]

]]> http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/feed/ 20 Le NouvelObs.com en cinémascope http://owni.fr/2011/04/05/nouvelobs-cinemascope/ http://owni.fr/2011/04/05/nouvelobs-cinemascope/#comments Tue, 05 Apr 2011 08:30:33 +0000 Olivier Beuvelet http://owni.fr/?p=55001 Comment le cadre choisi pour ouvrir le champ de l’illustration médiatique travaille-t-il l’image et comment constitue-t-il un dispositif susceptible d’instaurer (de disposer) un type de relation à l’objet représenté ?

Le site du NouvelObs.com a adopté depuis quelques semaines une nouvelle formule de Une qui offre aux regards de ses internautes un cadre très large, au format cinémascope déjà utilisé par le site de l’Elysée, et qui propose ainsi une illustration frontale en guise de gros titre. L’image fait ainsi un pas de plus dans l’espace de la Une et prend incontestablement la première place dans la hiérarchie des composantes de la page d’accueil du site.

Le lecteur-spectateur, ou plutôt le spectateur-lecteur du site arrive dans une fresque dont les dimensions n’appartiennent pas à la rhétorique de l’image de presse ou plus largement de la photographie “classique” – si l’on oublie les formats larges des appareils APS et si l’on excepte les belles fresques photographiques de Didier Roubinet - mais plutôt à celui du cinéma spectaculaire en cinémascope et à son effet meurtrière.

Or le choix de ce format lui-même relève d’un désir d’immersion du spectateur dans un espace représenté, et présenté dans des dimensions plus proches de sa perception naturelle que les dimensions tabulaires classiques. L’ouverture du cadre dans sa largeur produit ainsi un effet “panorama” qui, ne permettant pas à l’oeil d’embrasser d’un seul regard l’étendue entière de l’image, l’oblige à naviguer en son sein de manière à lui faire oublier la limite, la fin de l’image et sa coupure de signe, pour lui faire prendre la place d’une nature, seconde certes, mais sans solution de continuité avec son monde.

Le cinémascope et sa fente allongée est un dispositif qui instaure une intimité avec l’objet représenté, fût-il un champ de bataille ou une étendue maritime… Intimité qui vient  du fait qu’il n’y a pas (ou presque pas) de rupture latérale de l’image, que ses flancs se perdent dans le brouillard quand l’oeil se porte en son centre et réapparaissent ensuite si le spectateur sort la tête de l’eau… Ici, le cadre s’impose comme le fruit du bon vouloir du maître des lieux et comme son point de vue subjectif et souverain.

Nous nous souvenons tous de la légitimité et de la souveraineté qu’Alberti conférait au peintre (et au-delà de ce dernier au sujet imageant) en affirmant dans sa célèbre formule fondatrice de la peinture subjective moderne :

D’abord j’inscris sur la surface à peindre un quadrilatère à angles droits aussi grand qu’il me plaît, qui est pour moi en vérité comme une fenêtre ouverte à partir de laquelle l’histoire représentée pourra être considérée.

La précision émancipatrice “Aussi grand qu’il me plaît” instaure d’emblée une autonomie du peintre. Elle fonde sa subjectivité énonciatrice qui s’impose au spectateur comme la focalisation indépassable par le biais de laquelle il devra aborder l’image. C’est d’abord ce qui plaît au peintre (le cadre et le cadrage) qui arrive à mes yeux enveloppant et soutenant ce qu’il lui a plu de représenter…

Intimité émotionnelle

Ainsi, si la littérature dispose d’une focalisation zéro, d’une image sans point de vue, l’image matérielle depuis Alberti et le triomphe de la perspective, ne dispose que d’un point de vue interne ou externe à la rigueur. Mais pas d’un point de vue dont l’objectivité serait comparable à celle, imaginaire de toute façon, du démiurge romanesque qui voit de partout et de nulle part à la fois un univers, qui de toute façon n’existe que dans son imagination.

Tout choix de dimension du cadre est ainsi la base d’une énonciation visuelle qui porte les traces d’une intention et d’un choix souverain : parfois idéologique, orienté par un dogme et un soucis de le transmettre, et parfois dialectique, soucieux de laisser la place à deux courants contradictoires. Ce choix fonde en retour la place du sujet de l’énonciation qui sera précisément celle du spectateur. Empruntant ainsi le vecteur de la subjectivité de celui qui fait l’image et percevant, plus ou moins confusément, ce qu’il a “mis” dans son cadrage, ce qui reste dans son cadre.

C’est à ce point de convergence intersubjective que réside l’éthique du cadrage, comme respect de l’autre par le sujet imageant, car il s’agit de la liberté que ce sujet imageant laisse ou donne à son spectateur, en instaurant une distance plus ou moins importante avec son objet et en ménageant une place à l’altérité dans sa propre énonciation.

On peut dire dans cette perspective que le site du NouvelObs.com cherche manifestement à placer son spectateur-lecteur dans une intimité émotionnelle avec les sujets qui font l’information : en accentuant la dimension affective et personnelle des événements, par le choix d’un re-cadrage en meurtrière jouant sur divers registres pathétiques. C’est-à-dire, cette intimité visuelle qui fait le succès de la presse people. Voici quelques figures de cette rhétorique de l’intime.

L’effet Sergio Leone

Nous avons d’abord l’effet Sergio Leone qui a souvent utilisé la largeur du cinémascope pour faire d’une portion du visage d’un personnage, un paysage complexe et souvent humide où un battement de cil devenait un chant épique.

L'effet Sergio Leone, Le NouvelObs.com mardi 22 mars 2011

La sélection de ces yeux un peu lointains perçus avec acuité par l’objectif d’un photographe embusqué semble nous transmettre une émotion essentielle et intime, prise à la dérobée par un cinéaste qui raconte plus que par un journaliste qui informe. Il nous place dans l’intimité de Fillon, à un moment où il ne pense sûrement pas à l’élection (on n’en sait rien) mais où on peut sentir que l’heure est grave… et ne nous laisse aucune distance, aucun repli, son corps, sa peau, sa présence s’imposent à nous comme une destinée inévitable… le recadrage qui élimine toute autre figure et la visagéité du gros plan nous étouffent dans cette image tautologique de portrait du portrait, et nous donnent l’impression d’avoir aperçu une intention intime…

L’effet paparazzi et l’intimité spéculaire

Ainsi, la défaite d’Isabelle Balkany lors des dernières cantonales donne-t-elle lieu à cette image allégorique où l’intimité réflexive de soi à soi est dévoilée au regard du spectateur-lecteur. Une photographie qui joue sur la rhétorique de la photo volée de la presse people et sur la dimension symbolique archi-utilisée du double spéculaire. Isabelle Balkany, femme à la réputation de fermeté et de combativité se trouve ici comme prise d’un sentiment d’étouffement (elle retire même son écharpe) dans sa relation au miroir et à la presse alors que la disposition de ses deux corps, le vrai et le reflet, oblige l’oeil du spectateur-lecteur à parcourir la surface de l’image à le recherche de la vraie Isabelle, celle qui a été lâchée par son image.

Isabelle Balkaby ; NouvelObs.com lundi 28 mars 2011

Prédominance de l’affect surpris

On peut encore évoquer cette image amusante de Christine Lagarde, mise en cause par des députés socialistes dans ce qui se présente comme une future affaire d’Etat-Tapie.

Christine Lagarde ; NouvelObs.com dimanche 3 avril 2011

L’effet meurtrière s’associe ici à un cliché plus classique qui montre une personnalité politique affectée d’un rictus sans signification précise et qui est remis en perspective par le titre qui s’ajoute au recadrage pour orienter la compréhension de l’image. A la façon d’un boxeur qui menace de son poing fermé celui à qui il va “en coller une”, la ministre des finances, qui était peut-être en train de se masser les mains en réprimant un sourire, se retrouve menaçante et surtout émue, en colère. La dimension illustrative de l’image de presse joue ici à plein pour donner une dimension “humaine” et proche à l’événement politique, et c’est cette formule de pathos sans vis-à-vis ni recul qui accueille notre regard sur le site…

Si tu ne viens pas à Lagarde, Lagarde ira à toi ! Toute l’affaire s’arrime ensuite à cette colère…

Oubli des limites et tension interne

Autre exemple encore dans le désaccord qui oppose Sarkozy à Obama au sujet du retrait des avions américains des opérations en Lybie. Le site choisit d’illustrer l’information sous l’angle affectif, encore une fois, c’est la dimension émotionnelle et la personnalisation qui sont l’objet de cette mise en cadre, qui dispose les deux hommes face à face et montre le président français menaçant son homologue (terme étrange ici) américain… La photographie date du 10 janvier 2011 et a été prise à la Maison Blanche par Jewel Samad pour l’AFP dans un contexte qui n’a bien sûr rien à voir avec celui de la Lybie. Ceci dit, à l’habituelle utilisation rhétorique et hors contexte d’une image d’illustration, l’emploi du format cinémascope crée ici une largeur qui éloigne opportunément les deux figures des bords latéraux de l’image et semble ainsi les fondre dans un espace moins “coupé” du nôtre ou tout moins perçu avec une largeur de champ plus proche de notre perception visuelle naturelle.

Obama et Sarkozy ; NouvelObs dimanche 3 avril 2011

Paradoxalement, la version de la même photographie, publiée par L’Express.fr à l’occasion de cette rencontre en janvier 2011, et recadrée plus franchement sur les deux protagonistes, paraît moins intime que celle-ci parce que les bords de l’image sont tout de suite sur les personnages et les dimensions plus classiques rappellent plus facilement le tableau dans l’image.

Sarkozy et Obama le 10 janvier 2011 à la maison blanche a washington

On voit ainsi que ce qui crée l’intimité entre le spectateur et l’image, ce n’est pas seulement le cadrage serré sur le personne mais d’une part l’énergie affective qui se répand dans l’image à travers les formules de pathos, et d’autre part la possibilité offerte au regard d’oublier la limite de l’image et d’ ainsi mieux croire à la présence des êtres représentés dans son espace. Dans l’image de Fillon ci-dessus, la coupure du visage par le cadre est compensée par la grande proximité qui correspond à l’impossibilité réelle de voir l’ensemble d’une personne quand on se trouve très près de lui. L’effet de distanciation que provoque la présence du cadre dans l’image d’Obama et de Sarkozy devient au contraire un effet de proximité dans cette image de Fillon en ce que le cadre apparaît comme la bordure naturelle de notre champ de vision et non comme le fruit du choix souverain du sujet imageant…

L’objet interposé

Autre figure encore de la mise en scène de cette intimité à la Une du NouvelObs.com, la présence d’objets ou de corps interposés entre le spectateur et l’espace représenté comme dans cette image :

NouvelObs.com dimanche 3 avril 2011

Nous voici plongés dans l’intimité d’une réunion de l’UMP en pleine crise post-électorale. Les nuques des membres photographiés de dos, flous et sans identité, nous placent dans l’assistance et nous cache une partie du champ, nous révélant ainsi que l’image est naturelle, non apprêtée, encombrée comme dans un documentaire des éléments qui obstruent le champ et qu’une photographie saisie à l’improviste ne peut éliminer. Le mouvement subtil de Fillon qui semble lancer son regard par-dessus la tête qui le gêne, pour venir de notre côté renforce cette impression de présence de notre corps dans cet espace… nous sommes au second rang, mais bien dans l’image, dans cette intimité avec l’UMP…

Le faux dévoilement

Enfin, dernier exemple, mais il y en aurait encore d’autres, le faux dévoilement des coulisses est aussi un moyen de donner au spectateur l’illusion d’être du côté de l’image…

Martine Aubry ; NouvelObs.com dimanche 3 avril 2011

Ici, c’est la monstration des objectifs des caméras et le geste de la conseillère de Martine Aubry qui se baisse pour leur échapper et laisser toute la place à Martine qui nous rappelle la dimension factice des arrivées triomphales des hommes politiques dans les réunions de leur parti… On voit ici dans cette fausse mise en abyme médiatique comment le photographe semble chercher à affirmer sa supériorité objective sur la télévision qui filme la version mise en scène par le PS alors que lui pourrait saisir les coulisses de la première et mettre en évidence le côté factice de l’opération. Sauf que ce point de vue est lui-même factice et qu’il se place totalement dans le droit fil de l’idéologie dominante qui consiste notamment à dénoncer  le PS comme un espace purement théâtral où les egos démesurés cabotinent et se déchirent comme des sociétaires du Français. Voilà un procédé qui sous les oripeaux de la dénonciation du spectacle en offre un moins honnête encore, le spectacle de la dénonciation du spectacle.

Or c’est là qu’est le hiatus entre une image éthique, qui libèrerait le regard du spectateur et une image perverse ou idéologique qui l’enfermerait dans une intimité très étouffante avec un point de vue univoque, chargé de pathos et de séductions en tout genre. Dans le champ de la presse people dont le propos est de raconter les histoires de coeur et de pouvoir de l’Olympe médiatique, ce n’est pas gênant, mais dans le champ de l’information politique et en vertu d’un dispositif qui accorde une place importante aux images, ces procédés établissant une intimité affective avec les histoires représentées qui s’appuie sur un usage abusif et univoque du cadrage, posent un problème d’éthique journalistique et de respect de la liberté des lecteurs… La presse et le peep show doivent-ils vraiment se concurrencer ?

Je prendrais en contrepoint cette belle illustration de Libération.fr placée en tête de ce billet dans une position contradictoire, concernant l’envolée des prix du gaz et de l’essence.

Envoléé du prix du gaz et de l'essence ; Libération.fr dimanche 3 avril 2011

Le gros plan n’y est pas oppressant dans la mesure où peu chargé d’affect et énigmatique, il offre au regard du spectateur, sous un angle original et radicalement subjectif,  l’occasion de voir le visible devenir un signe à interpréter, ce qui, au lieu de le soumettre à la force de l’affect, le rend plus libre.

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Publié initialement sur le blog Parergon/Culture Visuelle sous le titre, NouvelObs.com ou l’effet meurtrière

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Crédits photos et illustrations : captures d’écran du site NouvelObs.com, Liberation.fr

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Chirac bouche cousue, une iconographie du silence… http://owni.fr/2011/03/07/chirac-bouche-cousue-une-iconographie-du-silence%e2%80%a6/ http://owni.fr/2011/03/07/chirac-bouche-cousue-une-iconographie-du-silence%e2%80%a6/#comments Mon, 07 Mar 2011 14:10:50 +0000 Olivier Beuvelet http://owni.fr/?p=50052

Motus et bouche cousue… Voici ce qui s’appelle un motif iconographique récurrent, et une formule de pathos qui vaut de grands discours… malheureusement pour la justice et l’édification des foules ! Aujourd’hui, sur la plupart des sites de presse en ligne, Chirac revient, les yeux grands ouverts et la bouche irrémédiablement scellée… Rictus de douleur dont l’expressivité émeut et signe visuel de l’étouffement des secrets de la République qu’il retient dans un silence bien exprimé, bien énoncé visuellement…

À l’exception du Figaro.fr qui le montre sous un jour neutre et presque rajeuni (voir à la fin) et de Slate.fr qui trouve une autre façon de figurer le silence, tous les journaux français exhibent un Chirac aux lèvres bien serrées, décidé à garder son mystère et à ne rien dire de ce qui apparaît clairement comme un système de financement mafieux et un train de vie politique assez éloigné de l’éthique démocratique du service de l’État…

L’omerta de la classe politique

Et pourtant, sur le visage douloureux de ce vieil homme condamné à se taire, apparaît tout le tragique existentiel d’une vie politique fondée sur l’instrumentalisation perverse de la parole, et sur une aptitude exceptionnelle au mensonge… En manifestant son silence de manière si ostensible, l’ancien bonimenteur accède presque à une sagesse aimable, il induit une empathie que nous avons tous, naturellement, pour les vieux sages qui savent se taire, et qui regardent, l’œil pensif, la vie poursuivre son chemin, de plus en plus loin d’eux… Mais c’est aussi l’image de l’omerta qui règne encore dans la classe politique française où le conflit d’intérêt et le goût du luxe finissent par avoir raison de tout, ou presque.

Peu importe ici l’origine exacte de ce rictus qui affecte les portraits de l’ancien président dans la presse, depuis quelques mois, au fur et à mesure que s’approche l’heure, tant attendue par certains, de le voir répondre des facilités de trésorerie qu’il se serait accordé durant des années, aux frais de l’État qu’il devait servir ou d’entreprises qui le servaient, lui qui se revendiquait l’héritier spirituel d’un homme, le général De Gaulle, qui réglait, paraît-il, lui-même ses notes d’électricité à l’Élysée. Est-ce un rictus simplement dû à des ennuis de santé ? Est-ce une expression claire de son intention : « Je ne dirais rien , je ne reconnaîtrai rien. » ? Est-ce un simple  jeu des journalistes qui s’acharnent sur son rictus sénile ? Est-ce une grimace de déception faite à la justice d’un pays qu’il a eu à ses pieds un certain 21 avril ? Chacune de ces images nous le répète, il ne dira rien, l’expression humaine devient un motif politique, il ne dira rien, quitte à devenir, dans les médias, une sorte de gargouille nationale, il ne dira rien, la presse est unanime, tout a déjà été non-dit…

Et ce sont ici les images qui ont la parole…

Le Point.fr, samedi 5 mars 2011.

20minutes.fr, samedi 5 mars 2011.

leParisien.fr, samedi 5 mars 2011.

LExpress.fr, samedi 5 mars 2011.

Slate.fr, samedi 5 mars 2011.

Nouvelobs.com, samedi 5 mars 2011

Le Monde.fr, samedi 5 mars 2011.

Liberation.fr, samedi 5 mars 2011.

Le Figaro.fr, samedi 5 mars 2011.

Billet initialement publié sur Parergon, un blog de Culture visuelle

Image CC Flickr kugel

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Photographie et presse: entre illustration et confusion http://owni.fr/2011/02/15/photographie-et-presse-entre-illustration-et-confusion/ http://owni.fr/2011/02/15/photographie-et-presse-entre-illustration-et-confusion/#comments Tue, 15 Feb 2011 09:00:57 +0000 Patrick Peccatte http://owni.fr/?p=46094 Les agences de presse diffusent leurs photos sous forme numérique. Et depuis maintenant une vingtaine d’années, chaque fichier image fourni aux clients contient la description textuelle de la photo .

Cette technique est supportée par tous les systèmes éditoriaux en usage dans les médias (print ou web) qui reçoivent des photos d’agence. Par ailleurs, au cas où le média ne serait pas équipé d’un tel système, il existe de nombreux outils peu onéreux ou même gratuits qui permettent d’exploiter très facilement ces légendes encapsulées dans les images. L’avantage de ce procédé est évident. Le lien entre une image et sa description est toujours disponible et permet au rédacteur de rechercher et d’utiliser aisément et sans erreur les photos d’agence.

Opacité des images

Certains éléments du descriptif inclus dans une photo peuvent être utilisés par le rédacteur et repris dans un article. C’est ainsi que l’on peut parfois lire dans la légende d’une photo publiée quelques précisions concernant la date et le lieu de prise de vue de celle-ci. Ces informations sont souvent importantes quand la photo est antérieure aux événements décrits dans l’article. Dans ce cas en effet le rédacteur signale par ce moyen simple que l’image n’est pas en rapport direct et immédiat avec le contenu de l’article, que la photo ne relève pas véritablement du soi-disant mode documentaire. Elle fonctionne d’emblée sous un régime illustratif que le lecteur doit lui-même interpréter à l’aide des informations rapportées dans la légende.

Le fonctionnement illustratif des photos publiées dans les médias d’actualité a souvent été abordé sur Culture Visuelle et il dépasse évidemment cette mention de la date et du lieu de prise de vue des clichés proposés. Ce billet cependant s’attachera uniquement à ces caractérisations évidentes dont l’oubli, en ce qui concerne les sites d’actualité, est une source de confusion regrettable et parfaitement injustifiable.

Dans le cas des journaux et magazines classiques, imprimés, la reprise de certaines informations spécifiques à une photo comme la date et le lieu de prise de vue est entièrement contrôlée par le rédacteur. Sauf incohérence manifeste, il est très difficile sans ces indications de détecter une photo publiée qui ne soit pas en relation directe et immédiate avec le sujet de l’article qu’elle illustre, comme par exemple une photo d’une ancienne manifestation prise quelques jours avant un papier décrivant une manifestation actuelle. Sur le Web par contre, pour autant que les métadonnées descriptives de la photo n’aient pas été effacées, c’est facilement décelable : comme beaucoup de ses confrères, le site lejdd.fr rend compte des manifestations à Alger dans un article intitulé Des violences en Algérie, signé B.B (avec Reuters). L’article est illustré d’une photo de l’agence Maxppp avec la légende Une manifestation a dégénéré à Alger.

Article du JDD.FR daté du 22 janvier 2011

Or, cette photo date en fait du 7 janvier 2011 comme on peut s’en rendre compte en affichant les informations contenues dans le fichier image. Par ailleurs, elle figure sur le book du photographe Billal Bensalem, postée le 8 janvier.

Informations contenues dans l'image affichées à l'aide de l'outil Jeffrey's Exif Viewer

Mais le Web permet également d’effectuer des recherches de photos similaires publiées un peu partout dans le monde. Comme les agences, fort heureusement pour elles, vendent leur production à de multiples clients, il est facile en quelques clics soigneusement ajustés de retrouver les différentes utilisations d’une photo. Étudiée par Olivier Beuvelet dans un récent billet, une photo prise lors d’une manifestation à Alger a ainsi été publiée le 22 janvier dernier par plusieurs sites (cliquer ici), toujours en relation avec les événements du jour. Tous les sites en question ont manifestement repris et adapté une dépêche et une photo associée fournies par l’AFP, mais tous n’ont pas eu l’honnêteté de mentionner que la photo date du 7 janvier, laissant le lecteur croire qu’il s’agit d’une image prise le jour même. De même, la candidature d’Erik Israelewicz à la direction du Monde (cliquer là) mobilise un nombre très restreint de photos dont certaines remontent à 2005 ou 2008 (sans que cela soit toujours mentionné) tandis que d’autres sont présentées à l’envers.

Embarquer les métadonnées

La présence de métadonnées dans certaines photos et la possibilité de chercher et comparer d’autres instances publiées ouvrent donc pour le lecteur attentif de nouvelles perspectives. Il est bien plus facile qu’auparavant de tenter de comprendre les choix d’images, de déconstruire leur éditorialisation, souvent volontairement masqués par les rédacteurs. Désormais, beaucoup de choix iconographiques discutables et d’approximations éditoriales peuvent se repérer.

On pourra soutenir que ces imprécisions sont de peu d’importance; c’est l’article dans son ensemble qui compte, pas les images. Mais cela signifie alors que l’image est d’emblée conçue par le rédacteur comme une illustration accessoire, réduite à sa fonction décorative. Selon cette conception qui non seulement subordonne l’image au texte mais lui dénie de fait toute valeur informative, la photo n’est jamais traitée avec le même sérieux, la même rigueur dont le rédacteur est supposé faire preuve dans son article. Que dirait-on en effet d’un journaliste qui décrirait ainsi une manifestation récente: « cela s’est passé ce matin, ou peut-être il y a quelques jours, c’est à vous de le découvrir, etc. ».

On pourra rétorquer aussi que la suppression des métadonnées d’une photo d’agence fait partie des prérogatives éditoriales du média, au même titre que le recadrage de l’image, la correction chromatique ou même la retouche. Les métadonnées des images relèveraient de la « cuisine interne » à une rédaction et ne concerneraient pas le lecteur. Au passage, on remarquera que si l’on retient cet argument (ce que je ne fais pas), il n’est guère possible par contre d’interdire à un lecteur de comparer en quelques minutes les différentes utilisations d’une même image, ce qui est évidemment impossible avec les publications imprimées.

Je défends un point de vue exactement opposé. Les métadonnées embarquées sont indispensables tout le long de la chaîne éditoriale et n’ajoutent que très peu de poids aux images publiées sur Internet . Le Web permet de conserver ces métadonnées jusqu’à la publication, ce qui n’était pas possible avec le print. Elles apportent alors des précisions utiles au lecteur exigeant. Il existe dores et déjà des outils qui permettent d’afficher ces informations d’un simple clic. Les métadonnées produites par les agences de presse devraient être systématiquement conservées dans les photos publiées. Un site qui prétend traiter sérieusement l’actualité en effaçant systématiquement ces informations est encore englué dans une conception top-down désormais dépassée du paysage médiatique. Il prétend surplomber son lectorat, savoir ce qui est bon pour lui et ce qui ne l’est pas. En bref, il n’a pas confiance en ses lecteurs.

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Deux billets publiés initialement sur le blog Déjà Vu/Culture Visuelle : Les photos d’agences de presse sur les sites d’actualité, entre illustration et confusion, et, Pour le jdd.fr, les manifestations se suivent et se ressemblent
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Crédits photo : captures d’écran du jdd.fr ; Library of Congress [Domaine Public]

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http://owni.fr/2011/02/15/photographie-et-presse-entre-illustration-et-confusion/feed/ 5
Naissance d’une iconographie révolutionnaire au Maghreb? http://owni.fr/2011/01/25/naissance-dune-iconographie-revolutionnaire-au-maghreb/ http://owni.fr/2011/01/25/naissance-dune-iconographie-revolutionnaire-au-maghreb/#comments Tue, 25 Jan 2011 10:00:23 +0000 Olivier Beuvelet http://owni.fr/?p=43646 Dans le prolongement de la réflexion d’André Gunthert et de Patrick Peccatte sur la représentation médiatique des événements tunisiens et algériens, et concernant plus particulièrement la conversion visuelle de la presse française qui est passée de la mise en images d’”émeutes” semblables à celles qu’a connues la France en 2005, à l’éloge lyrique de la Révolution tunisienne, j’ai cru bon de mettre en relation deux images glanées à quelques heures d’intervalles sur le site du Parisien.fr puis sur Le Figaro.fr, samedi 22 janvier.

La grande manifestation pour la démocratie à Alger, interdite par le pouvoir est ici interprétée de deux manières différentes, et cette différence de vue, constatée au sujet d’un même événement me paraît bien mettre en lumière les enjeux importants de l’illustration de presse dans la perception et donc l’interprétation des faits … et au-delà les effets que ces dispositifs peuvent avoir sur la manière dont nous voyons et nous nous représentons les événements en fonction de nécéssités idéologiques.

Le Parisien.fr : projection des clivages français sur les évènements algérois

Pour le Parisien.fr, la manifestation d’Alger se présente dans le registre iconographique des émeutes. Le dispositif est le même que celui souvent utilisé par la presse française pour illustrer les flambées de violences urbaines en France. L’image est prise de derrière le cordon de policiers, protégeant ainsi le spectateur de la menace que représente la jeunesse en colère. Il se trouve placé par le cadrage dans la position de celui qui est visé par les projectiles et qui se rassure de la protection de la police.

Le parisien.fr 22 janvier 2011

Les manifestants d’Alger n’ont ici aucune revendication, comme nos jeunes de banlieue en révolte, ils semblent poussés par une colère indéterminée, ou par un besoin orgiaque de se consummer dans l’effusion comme le souligne ici ce disciple de Michel Maffesoli … L’émeute est comme son nom l’indique bien émotive, semble nous dire l’image… sa seule logique est celle de la casse et de l’effusion dionysiaque, il n’ y a rien à entendre.

Peu importe que cette photographie de Fayez Nureldine (AFP), non légendée par Le Parisien.fr, soit tirée d’une série de clichés datant des manifestations du 7 janvier et non de la journée de mobilisation algéroise, ce n’est qu’un indice de plus de l’intention du journal dans sa démarche illustrative. Il s’agit de montrer que pas plus à Alger qu’à Nanterre pendant les grèves, les jeunes qui s’emportent n’ont de destin ni de revendications…

La rhétorique est celle des émeutes ; ”interdit”, “blessés” et “arrestations”. Il s’agit de placer le spectateur-lecteur du côté du maintien de l’ordre et de ne pas associer cette révolte à l’idée d’une revendication démocratique… La leçon tunisienne n’a pas été retenue, et le journal projette ici les clivages français (et la cécité qu’ils provoquent) sur les événements algérois… Les mêmes jeunes, les mêmes problèmes…

Le Figaro.fr : l’affrontement, la démocratie et le Ché

Le Figaro.fr, lui, a le mérite d’avoir innové dans sa manière de représenter les événements en inventant une nouvelle forme, entre la représentation canonique de la Révolution et celle de l’émeute. Ici, comme si ces deux figures avaient fusionné, nous retrouvons les éléments iconographiques de l’une et de l’autre pour donner naissance à une représentation nouvelle et d’après moi inédite des conflits sociaux au Maghreb.

Ne sachant pas si l’Histoire suivra son cours émancipateur en Algérie, après la belle surprise tunisienne, le journal a pris soin de ménager l’avenir et de donner dans l’hésitation, dans la retenue et l’incertitude visuelle. L’image est alors tellement neuve qu’elle paraît mise en scène.

De la figure de l’émeute, nous retrouvons le placement du spectateur derrière les forces de l’ordre qui sont tout de même moins présentes, et un face à face avec des hommes en colère, mais aucune femme dressée au dessus de la foule (aucune Marianne) ne vient porter ici le lyrisme à son comble ; la Révolution n’est pas seule représentée, c’est l’affrontement qui ressort. Le titre pose d’ailleurs les bases de ce face à face : “Une manifestation pour la démocratie” et non plus la vague “Marche” du Parisien.fr et non plus un interdit qui entraîne de la violence et des blessés, mais un empêchement qui s’en tient à la confrontation, à la rencontre de deux forces contraires.
Cependant, l’absence de femme est compensée par la présence d’une citation du Ché qu’on reconnaît facilement au centre de l’image, par la couleur rouge du drapeau Tunisien (double référence à la Révolution) et par ces poings levés qui revendiquent plus qu’ils ne menacent…

L’image est ainsi en équilibre et ouvre les regards français sur une interprétation plus mesurée et moins stéréotypée des événements. Un imaginaire nouveau naît ici dans la représentation d’un manifestant algérois en Ché Guevara, association visuelle du type de l’antonomase déjà étudiée ici… prenant le chemin des peuples d’Amérique latine, les peuples du Maghreb marchent vers la justice et la liberté… ce qui apparaissait comme des émeutes sans but ni structure devient un mouvement démocratique appuyé sur une idéologie, et par voie de conséquence… les images prises de derrière les policiers ne sont pas toujours le signe d’une menace ni d’une urgence. Que faisons-nous là ? De quoi avons-nous peur ? Et en France ? (ça c’est peut-être pour plus tard)

Des icônes révolutionnaires

Il est peu probable que le rédacteur du Figaro.fr ait pensé à tout cela en choisissant cette image, elle est belle et colorée et convient bien à la ferveur révolutionnaire qui flotte actuellement au sud de la Méditerranée. Ceci dit, il est probable que sans le revirement médiatique qui a suivi la chute de Ben Ali, sans les Unes de L’Express et du Nouvel Obs qui ont fait naître une iconographie révolutionnaire maghrebine sur les bases d’un réinvestissement de l’iconographie canonique de la Révolution française, cette “nouvelle” image d’un Ché algérois, qui sort des stéréotypes, n’aurait pas été sélectionnée…

Un imaginaire révolutionnaire et démocratique maghrébin est en train de se mettre en place dans les consciences françaises à la suite des événements tunisiens, une iconographie susceptible de le porter se déploie dans les colonnes de certains de nos journaux…

Il n’y a pas que des dictateurs face à des islamistes en Algérie, mais il y a des démocrates et des gauchistes révolutionnaires… Pas une révolution d’indépendance avec ses figures écrasantes, mais une aspiration populaire à l’égalité… Avant, il était impossible pour les médias français de voir autre chose que la copie, l’écho, de nos émeutes de banlieue dans ces révoltes du Maghreb, impossible de s’interroger sérieusement sur les raisons de la révolte… Il ne fallait pas y voir l’expression d’un désir de justice, de liberté ni surtout d’égalité…

Les tunisiens étant allés jusqu’au bout, ils ont pu prendre la parole…Alors on ne peut plus simplement représenter des ombres masquées brandissant des pavés dans la fumée des grenades lacrymogènes… Des visages apparaissent, des idées aussi… et même le Figaro.fr, friand d’images de jeunes émeutiers, se prend à innover…
En tout cas, la comparaison de ces deux images choisies pour illustrer un même événement montre bien la présence du dispositif idéologique dans lequel l’illustration de presse, en tant que dispositif visuel, prend sa place. Et l’on voit peut-être, en ce moment même, naître un nouveau Maghreb dans notre imaginaire…

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Billet publié initialement sur Culture Visuelle/Parergon sous le titre: Le Ché d’Alger ; naissance d’une nouvelle image du Maghreb ?

Crédits photos : Captures d’écran du Parisien et du Figaro sur Parergon/Culture Visuelle; Antonio Perezrio sur Flickr sous licence cc-by-nc-nd

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La pub n’est pas à côté du journal http://owni.fr/2010/08/26/la-pub-n%e2%80%99est-pas-a-cote-du-journal/ http://owni.fr/2010/08/26/la-pub-n%e2%80%99est-pas-a-cote-du-journal/#comments Thu, 26 Aug 2010 08:44:42 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=16966

À droite, de la publicité. À gauche, du rédactionnel. À moins que ce ne soit l'inverse.

Quelle est la place de la publicité dans le dispositif éditorial ? Telle était la question soulevée par l’exposé d’Alexie Geers, doctorante à Paris 10, consacré à l’observation des effets de rapprochement des pubs et des contenus éditoriaux dans la presse féminine, dans le cadre du séminaire “Mythes, images monstres” (INHA, 27/05/2010).

Évoquant une « confusion organisée », Alexie a montré de façon convaincante comment, dans un environnement qui favorise l’interaction entre les messages publicitaires et le rédactionnel, la mise en page des journaux comme Elle ou Marie-Claire, grâce à des effets d’écho ou de glissement visuel (voir ci-contre), produit une homogénéisation croissante des deux univers. Nettement perceptible depuis 2005, cette tendance serait encouragée par l’usage des banques d’images, la possibilité d’interrogation par mots-clés et l’indexation de notions comme la dominante de couleur d’une photo (lire également : “Manipuler l’image de presse?“).

Une telle observation interroge la césure la plus fondamentale du monde de la presse, dont l’essor grand public est historiquement lié à l’intégration des ressources publicitaires, mais qui maintient avec la force du dogme l’idée de l’indépendance des contenus éditoriaux, indispensable à la légitimité de l’exercice journalistique. Cette césure imaginaire ne s’impose pas seulement à notre usage du produit éditorial, dont la lecture suppose une étanchéité parfaite des différents types de contenus, mais également aux découpages théoriques de la recherche, qui maintient une stricte séparation des genres et ne sait pas analyser conjointement contenus rédactionnels et publicité.

Pourtant, l’unité culturelle des contenus saute aux yeux au moindre déplacement historique ou géographique du point de vue. Il suffit de feuilleter un magazine d’une période un peu éloignée dans le temps pour être frappé par la cohérence graphique et thématique des messages publicitaires avec leur environnement éditorial. De même, n’importe quel voyage à l’étranger nous confronte avec des particularités de l’expression publicitaire dont nous percevons confusément le lien avec la culture locale. En d’autres termes, dès lors que nous appliquons une lecture culturelle aux formes éditoriales, rien ne paraît plus banal que l’homogénéité de leurs produits, qui partagent un même espace et un même public, ont souvent des stratégies semblables et parfois des producteurs communs.

Contradiction avec les discours de légitimation journalistique

Ce constat est en contradiction profonde avec les discours de légitimation journalistique ou les exigences légales, qui postulent l’absolue hétérogénéité de la communication marchande et de la news honnête. En écoutant Alexie, j’en venais à me demander si cette hypocrisie n’était pas l’un des mensonges fondateurs des sociétés développées, l’un de ceux dont la quotidienne répétition nous accoutume aux contorsions mentales réclamées par les contradictions du capitalisme démocratique.

Restituer la vision globale des organes de presse, refuser la fiction d’une diplopie1de la lecture constitue un programme de recherche prometteur, que l’on peut étendre bien au-delà de la presse féminine. Feuilleter un exemplaire du Monde en gardant l’œil ouvert sur l’intégration de la communication dans le rédactionnel est tout aussi révélateur de son positionnement culturel ou de ses choix éditoriaux.

Billet initialement publié sur L’Atelier des icônes, un blog de Culture visuelle ; image CC Flickr joiseyshowaa

À consulter aussi, le blog d’Alexie Geers, L’Appareil des apparences, consacré aux photographies de corps féminin dans la presse féminine.

Culture visuelle est un site développé par 22mars, société éditrice d’OWNI

Article originellement publié le 31 mai, antidaté pour raisons techniques.

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http://owni.fr/2010/08/26/la-pub-n%e2%80%99est-pas-a-cote-du-journal/feed/ 4
Une image soluble dans le pétrole http://owni.fr/2010/07/09/une-image-soluble-dans-le-petrole/ http://owni.fr/2010/07/09/une-image-soluble-dans-le-petrole/#comments Fri, 09 Jul 2010 10:23:49 +0000 Béat Brüsch http://owni.fr/?p=21590 Certains observateurs, au nombre desquels je me compte, ont noté que les photographies sont de plus en plus utilisées en tant qu’illustrations par la presse. Ce distinguo ouvre le champ de la photographie de presse à des pratiques habituellement réservées à d’autres disciplines photographiques. Cela ne va pas sans grincements, car les règles du jeu ne sont pas toujours connues et il arrive même qu’elles varient en cours de partie. Chaque nouvelle « affaire » nous arrache un soupir accablé qui se prolonge à la lecture des commentaires de certains blogs. L’incident de retouche qui défraie la chronique de ces derniers jours dans le monde anglophone ne dément pas cette impression de déjà vu. Nous avons, d’un côté, une presse qui prend certaines libertés avec la « sacro-sainte » vérité des photographies et de l’autre, des lecteurs qui, tels des vierges effarouchées, s’étranglent de dépit en se répandant en considérations naïves sur les trahisons des journalistes.

Il serait temps de clarifier le statut des images de presse à l’aune des pratiques récentes. On a dit et redit que les images ne représentent, au mieux, que ce que le contexte autorise. Le contexte n’est pas seulement constitué des éléments entourant la prise de vue, ses effets se poursuivent dans les conditions éditoriales. Il me semble que le public contemporain devrait être apte à comprendre qu’une photo illustrant une couverture de magazine est souvent à prendre comme une image servant en premier lieu à vendre ledit magazine. La profession journalistique est ici fautive de ne pas communiquer sur la différence entre images à caractère publicitaire et images au caractère documentaire incontestable. C’est le noeud du problème. La profession à trop longtemps – et jusqu’à l’usure – proclamé son objectivité. Forte de cette aura, elle ne peut plus maintenant nuancer cette affirmation. Elle y retrouverait pourtant une certaine crédibilité… si cela se peut encore.

Le scandale de l’image retouchée d’Obama

L’affaire, donc… L’édition du 19 juin du magazine britannique The Economist présente, en couverture, une photo du Président Obama pensif, seul, sur une plage de Louisiane ensoleillée avec, à l’horizon, une plateforme pétrolière.

Le journaliste du New York Times (NYT) Jeremy W. Peters a découvert la photo originale de Larry Downing (pour Reuters ) et en fait part sur son blog le 5 juillet. Sur cette image, on voit que le Président Obama n’était pas seul. Il était accompagné de Mme Charlotte Randolf, responsable d’une paroisse locale et de l’amiral Thad W. Allen des Coast Guard. Tous les deux ont été « éliminés » en postproduction, l’un par recadrage et l’autre par effacement.

Rapidement, le blog du NYT fait une mise à jour en publiant un e-mail reçu de l’éditrice Emma Duncan, responsable de la parution de cette image au The Economist. Elle y affirme, en substance, que « Mme Charlotte Randolf a été effacée de l’image pour ne pas dérouter le spectateur par la présence d’une personne inconnue et que ce n’est pas la première fois que The Economist modifie des photos de couverture. Nous ne voulons pas tromper le lecteur. Nous voulions centrer le sujet sur M. Obama, mais pas dans le but de le montrer isolé. Le sujet de l’histoire n’est pas le dommage causé à M. Obama, mais au business des USA. » ]

Assumer les choix éditoriaux

Petite nouveauté, cette fois : la rédaction fautive ne cherche pas à nier en s’enfonçant dans le ridicule comme l’avait fait Paris Match avec les bourrelets présidentiels. Mais il faut dire aussi que la rédaction du The Economist s’est fait prier : sollicitée quelques jours avant la parution du billet sur le blog du NYT, elle n’a pas cru bon de réagir et ne s’est expliquée qu’une fois le billet paru. Les explications de Mme Emma Duncan sont maladroites et surtout incomplètes. À quand un exposé clair des considérations qui président à ces choix éditoriaux ? Pourquoi ne pas affirmer clairement qu’une image de couverture de magazine peut être fabriquée pour mieux porter une idée ? Le désir d’une image épurée est certes une très bonne raison pour opérer une retouche, mais dire que cela contribue aussi à mieux vendre – car une image simple, plus facile à décoder, est aussi plus vendeuse ! – serait un complément utile.

Comme on a déjà pu le remarquer, j’ai une conception assez libérale des pratiques de retouche. Celle dont nous parlons ici ne me choque pas plus que d’autres. Je pense que cette image de couverture est plutôt bonne et illustre bien l’idée d’un président fort préoccupé par le problème causé par cette gigantesque fuite de pétrole. Que la photo originale ait été différente ne me choque pas plus que cela. Ce qui me choque, c’est qu’on ne joue pas cartes sur table en ne nous disant pas tout sur le statut de cette image.

Communiquer sur sa politique d’image

Pourtant, The Economist n’en est pas à sa première couverture mettant en scène le Président Obama de façon illustrative, on en trouve plusieurs de ce type sur internet. Ces couvertures sont plutôt bien perçues, car en général, les éléments contenus dans l’image ne laissent aucun doute sur son aspect conceptuel. Souvent le président est replacé sur un fond non photographique. Avec le Golfe du Mexique, le fond était « trop beau » et l’ensemble correspondait parfaitement au concept voulu. On aurait pu le produire plus artificiellement, de manière à dénoter l’aspect fabriqué, mais cela aurait été moins efficace (tant du point de vue d’une « image-idée » que d’un point de vue « vendeur »).

Ne pas communiquer sur sa politique d’image et en particulier pour celles qui peuvent prêter à discussion, c’est infantiliser le lecteur. Il serait pourtant simple de mentionner – cela se fait dans certains magazines – une signature du genre « image réalisée avec trucage ». Plus généralement, on devrait pouvoir trouver dans l’impressum de chaque organe de presse une déclaration claire et complète de sa charte des images. Les organes de presse doivent cesser de se cacher derrière l’intangibilité d’une vérité photographique à laquelle plus personne ne croit. Il faut exposer aux lecteurs les contextes de parution des images. Ce double langage qui, d’un côté, prône tout un fatras de fausses vérités liées aux images, et de l’autre, est régulièrement pris en défaut dans la pratique est contreproductif. En entretenant ces déclarations de vérité, la presse rend tous ses dérapages encore bien plus insupportables.

Les commentaires sur le blog du NYT sont, à ce titre, exemplaires. Majoritairement contre cette retouche, beaucoup dénotent une forte déception, une vraie trahison de la part des journalistes. (Le fait que The Economist soit d’origine britannique, tout comme la société BP, ajoute une dimension au débat.) Comme souvent dans ce genre d’affaires on tombe sur quelques commentaires faisant le parallèle avec les trucages de photos staliniennes. C’est une sorte de point Godwin du domaine de la retouche photo ;-) Je rappelle à ces rescapés d’un autre âge que 1) les personnages supprimés des photos staliniennes l’étaient en général aussi physiquement, ce qui donne un certain vertige à ces retouches-là, et 2) que des ressources spécialisées disposent d’un arsenal bien plus élaboré d’exemples et de propos sur la retouche.

Détail piquant : sur le blog du NYT, aucun commentateur, sauf un, ne s’est étonné de l’effet de téléobjectif faisant apparaitre une plateforme pétrolière comme très proche du rivage alors qu’en réalité elles en sont fort éloignées. Un commentateur relève qu’il s’est rendu des centaines de fois sur les côtes de Louisiane et n’y a jamais vu de plateformes pétrolières. Soit les gens connaissent bien cet effet optique et l’acceptent, soit ils pensent que les plateformes sont réellement tout près du rivage. Mais dans les deux cas, il faut reconnaitre qu’il s’agit d’une sérieuse déformation de la réalité. Et que de montrer le président Obama si proche d’une plateforme est peut-être tout aussi mensonger que de le montrer seul sur cette plage… À moins que les artifices dûment enregistrés par les appareils photo ne soient moins condamnables que ceux réalisés en postproduction ?

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Billet originellement publié sur Mots d’Images.

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Image politique, quand l’instant saisi devient allégorie http://owni.fr/2010/07/09/image-politique-quand-l-instant-saisi-devient-allegorie/ http://owni.fr/2010/07/09/image-politique-quand-l-instant-saisi-devient-allegorie/#comments Fri, 09 Jul 2010 10:03:03 +0000 Olivier Beuvelet http://owni.fr/?p=21530 Un moment saisi à la volée à la sortie d’une réunion à l’Élysée… Une image qui ne voulait rien dire et qui a trouvé un sens, retrospectivement, au gré de l’actualité politique… Soudain, l’instant saisi devient allégorie, l’image muette, pure monstration d’une configuration du hasard, devient la représentation d’une affaire d’Etat, par le seul vouloir d’un rédacteur de Libération.fr… qui a probablement repris l’illustration choisie par LePost.fr (merci encore une fois à Patrick Peccatte)

Ce que j’ai toujours aimé dans la photographie, le cinéma documentaire et certaines fictions, dans la saisie immédiate de la réalité matérielle par le procédé photographique, c’est la manière dont, par ses différents niveaux de cadrage, l’image saisie dans l’incandescence de l’instant présent peut devenir allégorie… Ce moment où l’oeil du sujet imageant propose un sens implicite à son spectateur, dévoile un ordonnancement du visible qui ne renvoie soudain plus à lui même dans la tautologie de l’acte photographique (sa transparence pourrait-on dire) mais dégage l’image vers un ailleurs, une référence extérieure qui l’habite pourtant… Ce qui fait la force d’une photographie et peut lui permettre d’accéder au champ de l’esthétique et au domaine de l’art, c’est justement cette aptitude à transfigurer la réalité matérielle pour en faire une allégorie, à l’encontre de son contexte historique parfois…

Ces moments d’assomption de l’allégorie dans l’image photographique prise sur le motif sont ainsi nombreux dans un film comme Shoah, dans la fameuse scène avec Abraham Bomba par exemple, dans laquelle le coiffeur de Tel Aviv devient progressivement le coiffeur de Treblinka et son client un condamné à mort auquel le spectateur s’identifie, sous l’effet de son terrible récit …

On peut aussi citer, ô combien ! l’œuvre de Krzysztof Kieslowski qui, du documentaire à la fiction, a travaillé à l’équilibre des deux tendances que Kracauer confère au cinéma et à la photographie, la tendance “formatrice” et la tendance “réaliste” sa capacité à formuler et sa capacité à montrer… Ainsi, les nombreux guichets qu’il filme comme des vitres trouées d’un cercle d’air, sont parfois chez lui des allégories de l’image cinématographique, cette transparence trouée, et il devient très intéressant d’en étudier les occurrences…

La réunion d’objets devenus signes dans un champ, par le travail du cadre, la référence à un contexte idéologique, culturel ou affectif qu’une certaine catégorie de spectateurs peut saisir, la survivance dans les corps et les formes visuelles des paradigmes anciens de l’Histoire des images, sont autant d’éléments susceptibles d’informer l’image photographique pour en faire une allégorie.

Dans le contexte d’une affaire d’État

Dans le cas présent, on voit que c’est le contexte immédiat, contexte politique d’une affaire qui prend chaque jour de l’ampleur, qui a “transformé” une photographie prise en 2009, sans signification particulière, en allégorie contemporaine. Un rédacteur de Libération.fr l’a reprise aujourd’hui pour signifier la panique qui saisit le sommet de l’État devant les informations mises en ligne par le site Mediapart. Contrairement aux images de la série précédente, aucun lien organique direct ne peut ête établi entre cette photographie et l’actualité, pourtant, si bien sûr elle n’informe pas, elle illustre de manière allégorique la situation. Et l’on voit peut-être ici encore l’image prendre position…

Ça part dans tous les sens !  Eric Woerth qui tient un dossier sûrement intéressant et vérifie qu’il a bien quelque chose dans sa poche est poussé au premier plan devant les objectifs, mais tout se passe dans son dos, il tente de se retourner pour saisir ce qui se trame à son sujet derrière lui entre les deux seules personnes qui se regardent… La tête de Brice Hortefeux semble lui pousser sur l’épaule, mais il est ici dans la position du comploteur qui regarde en coin s’éloigner un rival… Nicolas Sarkozy, quant à lui, tend la main à un interlocuteur à demi caché (sûrement Benoist Apparu, paradoxalement) mais semble surtout essayer d’attraper une main secourable, cette salutation ressemble ainsi, dans le contexte actuel, à une demande d’aide…

Des hommes de l’ombre agissant en coulisse

Pourtant l’ampleur du geste pourrait aussi nous laisser penser qu’il a poussé Woerth vers l’avant, ce qui expliquerait que celui-ci se retourne… L’image est recadrée par un montant de porte à droite, marge floue et sombre de l’affaire, et témoigne de la dimension réaliste et spontanée de la prise, devenant une intrusion, un dévoilement, et établissant un seuil que n’a pas encore franchi Eric Woerth… cependant il se rapproche, seul, de la porte de sortie…

La légende est intéressante parce qu’elle ne cite que Woerth et Sarkozy, Hortefeux caché mais présent et Apparu (probablement) sont ici les représentants des hommes de l’ombre et des éminences grises qui agissent en coulisse, de manière anonyme, dans cette affaire qui devient incontrôlable… comme les trajectoires des personnages présents dans l’image…

Enfin, au milieu, un drapeau français rappelle le lieu et sert de contre-point “moral” à la scène saisie sur le vif.

Voilà comment une image tirée des archives (dont je n’ai pas trouvé trace sur Google Image) devient allégorie en fonction d’un contexte particulier, quelques mois plus tard. Le rédacteur aura trouvé là matière à représenter visuellement la situation politique du moment.

Illustration : capture d’écran de Libération.fr le 6 juillet à 9 h.

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Billet initialement publié sur Parergon, un blog de Culture visuelle

À lire sur le même sujet sur Parergon : Affaire Woerth, images d’un conte pas très suisse…

Disclosure : Culture visuelle est un site développé par 22mars, société éditrice d’OWNI

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